La timidité (Confession d’un timide, Grasset, 2010), la transgression sociale (Pas son genre, Grasset, 2011), la jalousie (La femme infidèle, Grasset 2013), l’œuvre tout entière de Philippe Vilain est moins tissée de thèmes que consacrée aux "états" du discours amoureux. De ce point de vue, Une idée de l’enfer (titre qui pourrait être générique de toute l’œuvre…) ne fait pas exception.
C’est l’histoire de Paul qui ne fait pas pitié (pas encore 40 ans, une bonne situation, une jolie et aimante jeune femme, Sara, qui ressemble un peu à la chanteuse Zazie). C’est l’histoire d’un homme qui joue. Il parie en ligne sur le score de matchs de football, des grands comme des minuscules (sa vie peut basculer selon que le FC Baku l’emporte ou non sur le Qarabag Agdam…), avec prudence et rationnellement comme si la prudence et la raison étaient de mise en la matière. Le lecteur fait sa connaissance du côté de Nice (n’est-ce pas là aussi que Jacques Demy situait La baie des Anges, peut-être le plus beau film consacré au jeu et à ses conséquences pour un couple ?) un soir de finale de Ligue des champions et comprend ainsi qu’il ne sera question, entre sevrage et rechute, que de Charybde et de Scylla. Au fond, Paul joue moins qu’il ne s’ennuie et rejoint par là la morne et fascinante théorie de héros de Philippe Vilain souffrant de ce même mal, miroir sans pitié de l’amour en allé ("alors que j’avais l’impression d’échapper à l’ennui en renouant avec ma femme, au fil du temps, quand la routine estompait cette impression, mon ennui finissait par reprendre le dessus, un certain manque, qui, sans me rendre irritable, m’assombrissait"). L’auteur, moraliste dissimulé, nous le décrit avec une sécheresse paradoxale qui ne se départ jamais d’une vraie élégance.
Olivier Mony