"A Kamathipura, la nuit ne finissait jamais. Au crépuscule, les hijras apparaissaient telles des étoiles." Parmi ces êtres hybrides - ni masculins ni féminins -, Madhu évolue comme elle peut. La quadra indienne n’est plus que l’ombre d’elle-même. Condamnée à mendier pour subsister, l’ex-prostituée cherche du réconfort auprès de ses consorts de misère. Une mission inattendue la tire de sa torpeur : prendre en charge un "colis", jusqu’à son "ouverture". Le colis étant une gamine apeurée, qui ne va pas tarder à découvrir son sort. Face à elle, Madhu est confrontée à la cruauté de sa propre histoire.
"La vie vous offrait parfois une version amoindrie de vos rêves…" Celle de l’héroïne débute dans un corps de garçon, mais privée de ses attributs masculins, elle devient "une hijra". Arrachée aux siens, elle vibre au son du quartier rouge de Bombay. "Une cage sans barreaux", dans laquelle Madhu doit assouvir le désir des hommes. Une jungle sans merci, régie par des femmes qui cachent leurs drames. "La vérité était trop intense pour être supportable."
La solidarité et l’amitié offrent un peu de répit, pas la pitié, menaçant la survie. Comment Madhu va-t-elle préparer son "colis" ? "Je suis née et je vis pour subir. Pour conserver la dignité, encore fallait-il en avoir une." Anosh Irani se glisse, avec une fluidité déconcertante, dans l’existence des esclaves sexuelles de Kamathipura. Ce lieu l’a toujours intrigué, tant il est irrigué par une vraie puissance de vie. Ici, la laideur se trouve transcendée par la profondeur des âmes. K. E.
