Anna Hope porte un nom prédestiné, qui veut dire "espoir". C’est pourtant le désespoir qui anime son premier roman, Le chagrin des vivants. Un titre évocateur pour décrire la douleur de ceux qui restent après la perte d’un être cher, parti à la guerre. Nous sommes à Londres en 1920. Tandis que la ville émerge des décombres, ses habitants ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes. "Dans ce monde post-kaki", il y a les blessés et les traumatisés de la Grande Guerre, qui ont du mal à retrouver leur place. "Nous sommes camarades de grisaille." Face au manque d’hommes, les femmes ont dû assumer leurs responsabilités. Et puis il y a celles dont le frère, le mari ou le fils a été emporté.
Tout le pays est en émoi lors de l’hommage rendu au Soldat inconnu, tombé sur les champs de bataille en France. Un symbole pour les endeuillés, privés d’une tombe sur laquelle pleurer. "Disparu ? Qu’est-ce que ça voulait donc dire ?" Evelyn sait qu’elle ne doit plus espérer le retour de son fiancé. Elle alterne entre des sentiments de manque, de rage et d’injustice. "Qui est là pour partager ses pensées ? Elles se flétrissent en elle. Son cœur brisé, qui continue à battre. Et elle est en vie. Pourquoi ?" Active au sein du bureau de pension de l’armée, elle écoute les rescapés des tranchées. Des hommes hantés, voulant renouer avec la vie.
Depuis la disparition de son fils, Ada est déchirée par le chagrin. Elle croit voir Michael partout. Comment accepter l’inéluctable ? Hettie n’a qu’une envie : danser jusqu’au bout de la nuit avec d’anciens combattants qui s’accrochent à ses bras. Elle croit en sa bonne étoile. "L’avenir pétillant comme une boisson gazeuse sur sa langue. Je suis vivante." Un lien invisible relie ces trois héroïnes, qui tentent juste d’avancer. En décrivant "l’impact de la guerre sur les femmes", Anna Hope montre ses répercussions à long terme. La guerre ne s’achève pas avec un traité, elle reste gravée dans les corps, les âmes et les mémoires. Mais ce roman se veut "un éveil" (titre original en anglais) à la vie. Kerenn Elkaïm
