Grand gagnant de la crise sanitaire, le marché du parascolaire a renoué avec une quasi-normalité en 2021, bouclant l'exercice en léger recul (-0,8 % en valeur selon GFK). La performance est loin d'être mauvaise tant les ventes record de 2020, au temps de « l'école à la maison », avaient bouleversé les équilibres et les saisonnalités. Certes, l'activité reste marquée par de fortes disparités selon les segments. Ce sont surtout les classiques pédagogiques (+ 14 % en valeur) et, dans une moindre mesure en raison de leur importance plus modeste dans le total des ventes, les annales (+ 7,1 %) qui « sauvent » la croissance. Le soutien, qui représente à lui seul 40 % du parascolaire, a reculé de 4,4 %. Mais si le coup d'arrêt est sensible, les deux dernières années ne resteront pas sans conséquences. « Le Covid-19 a changé les habitudes de consommation, le parascolaire a gagné des foyers », estime Monique Paillat, directrice éditoriale chez Nathan Univers Jeunesse. Dans la lignée des développements des dernières années qui intègrent les pédagogies alternatives et une bonne dose de ludique, les éditeurs ont donc continué à imaginer de nouveaux concepts et formats.
Nouvelles propositions
En soutien justement, largement porté par le succès des séries dites de « première lecture », à commencer par le leader Sami et Julie (Hachette Éducation), de nouvelles propositions voient le jour. Un an après s'être attaqué au segment avec « Les Incollables : premières lectures », Play Bac poursuit l'installation de la collection et publiera en juin une méthode de lecture syllabique. Bordas a inauguré en janvier la série « J'apprends à lire avec Olive », autour de laquelle gravite tout une offre de consommables (cahiers effaçables, cahiers de coloriage) et un ouvrage de méthode syllabique et phonétique. Magnard lance de son côté en juin la collection « Je découvre et je lis ». Contrairement à la plupart des séries existantes, « Je découvre et je lis » ne reposera pas sur de la fiction mais sur des documentaires. « Nous avons voulu sortir du schéma classique des petits personnages qu'on voit partout pour proposer une approche documentaire qui renouvelle l'apprentissage de la lecture », explique Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard-Vuibert. Fidèle à ses héros Mila et Noé, qui incarnent depuis 2016 la série « Regarde, je lis ! », Nathan les a, pour sa part, présentés en bande dessinée pour la première fois en février dans deux courts albums destinés aux CE1. « La BD en parascolaire est un phénomène encore assez récent, elle permet de sensibiliser les lecteurs aux codes du genre avec les bulles de pensée ou les onomatopées », détaille Quentin Gauthier, directeur marketing et communication univers jeunesse chez Nathan. L'éditeur renforce aussi sa gamme de coffrets conçus selon la méthode de Cécile Zamorano avec une nouveauté J'apprends à lire en manipulant.
Pour les deux ans de sa collection « Apprendre à lire avec les Alphas », née en plein confinement de 2020, RécréAlire engage pour sa part une campagne de communication en librairie et annonce neuf nouveautés d'ici la fin de l'année. L'éditeur, qui va adapter la série au marché suisse en publiant six titres conformes au système HarmoS, a aussi lancé début avril une formation d'e-learning destinée aux enseignants. « Avant la pandémie, la créatrice des Alphas, Claude Huguenin, proposait ces formations en présentiel, rappelle David Moulin. Si l'essentiel de notre activité repose sur le parascolaire, nous adaptons aujourd'hui notre outil formation pour renforcer notre présence dans les écoles. »
Contenus supplémentaires
Hors des premières lectures, le soutien voit aussi les éditeurs à l'offensive. Hachette Éducation a lancé en début d'année une série d'entraînements à l'intérieur de sa collection « Pour comprendre ». Couvrant les cinq années de primaire avec des exercices en français, mathématiques, anglais et dictée, cette nouvelle offre est conçue pour « compléter ce que les enfants apprennent en classe », explique Nathalie Théret, directrice du département parascolaire et supérieur d'Hachette Éducation. Hatier de son côté engage la refonte ce mois de mai des 57 titres de sa collection d'entraînement « Chouette », centrée sur le primaire et le collège, avec de nouvelles couvertures, une maquette intérieure modernisée et l'apparition de contenus supplémentaires de type mémos et cartes mentales. En juillet, l'éditeur publiera également des tout-en-un couvrant les trois niveaux de maternelle sous la licence Suzanne et Gaston. Larousse alimente son offre de cahiers de soutien Montessori, Bordas refond ses collections historiques « L'année de » et « Les livres-ardoises ». Play Bac adopte le format de cahiers tout-en-un pour lancer une série de trois titres « Vive la maternelle » sous la marque Les Incollables. Tirés chacun à 8 000 exemplaires, « ces ouvrages sont positionnés en complément des éventails de questions/réponses dans une approche qui associe le ludique des Incollables au sérieux d'une équipe pédagogique experte », explique Marjorie Baudry, chef de groupe enfants chez Play Bac. En support de la collection de tout-en-un « Je comprends tout », Nathan annonce pour juillet une série de dix titres mono-matières français et maths « Mon cahier à la maison ».
Réviser en BD
Au collège et au lycée, le recours à la bande dessinée se banalise. Nathan s'est prêté au jeu avec, par exemple, une petite série « C'est facile en BD ! » lancée l'an dernier avec un titre Maths 6e et qui proposera en juillet un second opus Maths 5e. C'est aussi par les bulles que Belin Éducation développe son catalogue. La marque du groupe Humensis ouvre en juin la collection d'anglais « Manga Twist », qui adapte en version bilingue anglais/français de grands classiques de la littérature anglo-saxonne comme Alice au pays des merveilles et Oliver Twist. Sauce manga oblige, les histoires se parcourent de droite à gauche et il faut retourner les ouvrages pour passer d'une version à l'autre. « C'est la première fois que nous avons recours au manga en parascolaire, l'idée est de faire de l'anglais en s'amusant », souligne Turiane Guitton, directrice marketing opérationnel et international chez Belin Éducation. Deux autres titres sont prévus d'ici la fin de l'année. Toujours en images, mais en bande dessinée cette fois, Belin Éducation a aussi étendu à la philosophie son partenariat avec La Boîte à Bulles. En janvier, les deux maisons ont coédité les quatre premiers albums de la série « Toute la philo en BD », conforme au programme de terminale.
Après le flottement des années Covid, les épreuves du brevet et du baccalauréat devraient se dérouler normalement cette année, ce qui pousse les éditeurs à actualiser leur offre. Après avoir inauguré l'an dernier la collection « Brevet pratique », Magnard a refondu en janvier les 24 titres de la collection de fiches de révisions « spécial bac », optant là encore pour un concept de couvertures monochromes - le corail pour le lycée - « qui rompt avec les codes marketing du genre », souligne Célia Michel, responsable collège et lycée du pôle grand public. En juillet, la collection s'étoffera de quatre titres disciplinaires proposant cours, méthodes et exercices et, de manière plus originale d'un consommable enrichi Mon carnet de lecture pour réussir le bac de français. Hachette Éducation, de son côté, complète sa gamme « Objectif Bac » avec plusieurs nouveautés couvrant des matières de tronc commun ou de spécialité. L'éditeur signale également la progression de la collection scientifique d'entraînement intensif « Exos résolus ». « Nous avons un fonds très repéré pour sa qualité qui nous permet de continuer à faire la différence », souligne Claire Inizan, directrice éditoriale du département parascolaire d'Hachette Éducation. L'éditeur s'appuie en parallèle sur une sélection resserrée de titres « experts » incarnés par des vedettes des réseaux sociaux comme Amélie Vioux en français ou Monsieur Phi en philosophie.
Kits de survie
De la même manière, Hatier enrichit sa collection « Prépabac » avec des titres de spécialité qui manquaient encore à son catalogue comme Humanités, littérature et philosophie ou Anglais monde contemporain. Ellipses complète « Entraînement au bac », déployée l'an dernier, et annonce pour juillet une collection « En cartes mentales ». Très ambitieux sur le marché, Belin Éducation poursuit l'installation de « Focus Bac », lancé en août 2021. « Avec Focus Bac, nous avons décidé de reprendre la parole sur le segment des examens », énonce Turiane Guitton. En partenariat avec SchoolMouv la collection propose des « kits de survie » numériques incluant vidéos, quiz interactifs et accès à un prof particulier en ligne pour compléter les révisions papier.
Enfin, porté par la prescription des œuvres imposées pour le bac de français, le marché des classiques pédagogiques mobilise lui aussi les énergies, y compris au collège où les professeurs continuent de choisir les œuvres étudiées. L'arrivée en 2021 des « Ateliers d'Actes Sud », après le lancement, en 2020, de « Déclic », chez Belin Éducation, en sont l'illustration. « Déclic » revendique 250 000 exemplaires vendus et Belin Éducation, pour accompagner les 12 nouveautés de la rentrée, organise un concours de lecture à voix haute en direction des collégiens.
Nouveaux territoires littéraires
Les éditeurs n'hésitent pas non plus à explorer de nouveaux territoires littéraires. « Même si les grands classiques concentrent les ventes, la liberté pédagogique des enseignants de collège nous permet de faire preuve de créativité et de rencontrer le succès », souligne Apolline Odonne, éditrice « Étonnants classiques », chez Flammarion. La collection a par exemple dépassé les 10 000 exemplaires vendus avec un texte peu connu de Maurice Genevoix, La mort de près, et mise cette année sur les Contes de Mme d'Aulnoy.
L'attractivité est l'autre maître-mot. Alors qu'Hatier propose désormais ses « Classiques & Cie » en couleur, Larousse prépare pour juin la refonte progressive des « Petits classiques » collège, qui passeront en quadri pour « aider les élèves à mieux se repérer dans le texte », explique Carine Girac, directrice du département périscolaire. Larousse va aussi différencier les niveaux collège/lycée sur les couvertures et ajouter une partie consommable pour permettre de commenter les lectures. De son côté, Magnard a publié fin avril son premier « Classiques et contemporains » écoresponsable, Sept nouvelles de la Terre.
Au lycée, la concentration des ventes sur les 12 œuvres imposées au programme durcit la concurrence. Hatier refond la collection « Profil bac » avec de nouvelles couvertures plus illustrées et une maquette intérieure tout en couleur. Les premiers titres bénéficiant de la refonte sont les trois nouvelles œuvres imposées pour le bac de français 2023. Après son rechartage de l'an dernier, « Étonnants classiques » intègre une version audio des passages des œuvres étudiées en classe. « Les élèves doivent effectuer une lecture expressive des textes lors de l'épreuve de français. La lecture audio professionnelle les aide à s'y préparer », précise Apolline Odonne. Avec ses romans à deux euros sans notes de bas de page, Librio joue de son côté la carte du petit prix. « Pour rester attractif, nous ne proposons que les ouvrages avec une faible pagination », explique Astrid Chauvineau, éditrice « Librio », chez Flammarion. L'éditeur a notamment envoyé 20 000 spécimens des Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac pour toucher plus spécialement les séries technologiques.






