18 AOÛT - ROMAN Etats-Unis

Jonathan Franzen- Photo DR/L'OLIVIER

Depuis la publication des Corrections (L'Olivier 2002, repris en Points), Jonathan Franzen a acquis le statut de star des lettres américaines. Ce qui est à la fois totalement justifié par son talent romanesque hors norme et surprenant tant l'homme est discret. Les corrections, on s'en souvient, racontait sur plus de sept cents pages l'histoire d'une famille tourmentée du Midwest, les Lambert. Neuf ans après sa traduction en France aux éditions de L'Olivier, Franzen revient enfin aux affaires (1) avec Freedom. Une nouvelle histoire de famille, narrée cette fois encore dans un imposant volume de plus de sept cents pages dont on a du mal à décrocher.

Les Berglund ont habité une maison victorienne dans le Minnesota avant de déménager à Washington. Walter, le mari, est un type gentil qui a d'abord été avocat puis responsable du développement de Nature Conservancy. Son épouse Patty a été une athlète d'exception au lycée et à l'université, avant de céder à la tentation de devenir "une femme au foyer et une mère exceptionnelle". Le couple a eu deux enfants, Jessica et Joey. Frazen montre d'abord les Berglund à la quarantaine. Lorsqu'ils bataillent avec des adolescents prenant déjà leur envol, avec un mariage qui ronronne. A une époque où Patty boit trop, écoute de la country lambda, semble persuadée de toujours faire des erreurs et en arrive à bousiller avec un cutter les pneus neige du pick-up d'un voisin...

L'auteur de La vingt-septième ville (L'Olivier 2004, repris en Points) plonge ensuite dans leur passé. Et fait mieux découvrir une Patty Emerson élevée dans l'Etat de New York. Particulièrement douée pour le sport jusqu'à ce qu'une blessure mette fin à sa carrière, Patty se fait violer à dix-sept ans par un interne plus âgé lors d'une fête où elle a abusé de piña colada. La jeune femme fréquente d'abord un certain Carter aux dents irrégulières. Rien ne sera plus pareil après sa rencontre avec le volage Richard Katz. Fils d'un saxophoniste de Greenwich Village et d'une wasp borderline qui a viré folle de Jésus, celui-ci est leader d'un groupe punk, les Traumatics, qui se produit en première partie des Buzzcocks. Richard a un colocataire, Walter. "Un garçon de la campagne désespérément trop responsable" qui tombe vite fou de Patty...

Jonathan Franzen a toujours autant de souffle, d'acuité psychologique, d'humour. On le suit avec le même plaisir lorsqu'il s'attache à Richard, rocker culte qui se met à construire des decks et soutient à un jeune fan que "le iPod est le vrai visage de la politique des Républicains", quand il donne la parole à Patty, dépressive, qui se demande si elle n'a pas "merdé dans les grandes largeurs" ; ou quand il creuse les contours d'un Walter préoccupé par l'avenir de la paruline azurée, l'environnement et la surpopulation, mais aussi totalement bouleversé par les sentiments qu'il éprouve pour sa collaboratrice de vingt-sept ans.

"La liberté, c'est chiant", lance à un moment l'un des protagonistes pendant un dîner. Freedom de Franzen, c'est le contraire. Un grand roman sur l'amour, la famille, le couple, le vieillissement et l'Amérique qui frappe par sa portée universelle.

(1) A l'occasion de la sortie de Freedom, Jonathan Franzen sera au théâtre de l'Odéon pour une soirée unique le 19 septembre 2011.

27.10 2015

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