Coincée entre la forêt et le fleuve, San Cristóbal est une ville de province d'un pays tropical. Le narrateur d'Une république lumineuse d'Andrés Barba y fut nommé, quelque vingt ans plus tôt, directeur des affaires sociales après le succès d'un programme de réinsertion de communautés indigènes dont il avait été l'initiateur et le chef d'orchestre. D'une voix blanche, il raconte... Lui, Maia, une professeure de violon, qu'il vient d'épouser juste avant son affectation, et originaire de la ville, et la fille de neuf ans de cette dernière forment une petite famille tranquille. Ils ont recueilli la chienne errante qu'il avait manqué écraser en arrivant à San Cristóbal. A part cet accident inaugural, et les légers désagréments attenants - ce sang animal qui trempait leurs vêtements alors qu'ils emmenaient la bête blessée chez le vétérinaire -, rien ne présageait que l'existence fût autrement qu'« aussi réglée et prévisible qu'un métronome ». Dans ce genre d'existence provinciale « il est aussi difficile, ajoute le fonctionnaire, d'imaginer la possibilité d'un autre destin qu'un lever de soleil à l'ouest. Mais c'est ce qui peut très exactement arriver : que le soleil se lève à l'ouest. »
La question de la mendicité infantile est inscrite à l'ordre du jour du conseil municipal. Dans les rues on avait constaté quelque temps la présence d'enfants sales, sans doute d'origine ñeê, peuple autochtone de la forêt, âgés d'environ neuf à treize ans, de plus en plus nombreux, qui mendiaient, chapardaient, agressaient. D'où venaient-ils comme ça ? « Surgi du fleuve », avait répondu le représentant de la communauté ñeê. Et voilà qu'il y eut l'attaque du supermarché Dakota - du pur vandalisme : une action terroriste gratuite. « Les Trente-deux » (leur nombre), comme on allait les appeler, exerceraient bientôt une force d'attraction irrésistible auprès des enfants de la classe moyenne jusqu'à la solution radicale des autorités pour y remédier.
Récit auréolé d'une fascinante inquiétude, cette République lumineuse est une utopie de la sauvagerie de l'enfance, et a contrario un miroir déformant, dystopique, de la société adulte. Ainsi le narrateur égrène-t-il ses propres souvenirs de San Cristóbal, entremêlés d'articles, de rapports, de journaux intimes... avec sa vieille chienne à ses côtés. L'ancienne bête blessée a enterré la plupart des protagonistes de cette histoire, elle avait été un présage après tout.
Une république lumineuse - Traduit de l'espagnol par François Gaudry.
Bourgois
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18 euros ; 192 p.
ISBN: 9782267032062