Fondée en 1997 et basée à Rouen, la maison d’édition Petit à Petit a été placée en redressement judiciaire à la demande de son fondateur, Olivier Petit. Une décision préventive, explique-t-il, alors que les signaux d’alerte – librairies fragilisées, ralentissement du secteur BD, conjoncture économique défavorable – s’accumulent dans la filière.
« Dans la boîte à outils de l’éditeur, il y a l’anticipation. Lorsqu’on constate que le nombre de librairies qui font faillite s’accumule, que le nombre de maisons d’édition en difficultés augmente et que nous vivons une période de crise, il est important de savoir se mettre en sécurité. J’ai donc préféré avertir le tribunal de commerce, pour que celui-ci assure la sauvegarde de la maison », a expliqué l’éditeur à Livres Hebdo.
Un enlisement structurel
La situation financière des éditions Petit à Petit s’était, en effet, sensiblement dégradée ces derniers mois. « Notre chiffre d’affaires ainsi que nos mises en place baissaient, tandis que nos retours augmentaient et que nous cumulions les impayés », précise Olivier Petit, estimant avoir pris cette décision « au bon moment ».
D’après lui, le redressement judiciaire n’est d’ailleurs pas une fatalité : « C’est un système intéressant, qui permet à l’entreprise d’avoir une seconde chance et d’organiser un appel d’offres, un appel à un soutien généralisé ». L’éditeur précise d’ailleurs être « très bien accompagné » par les administrateurs judiciaires.
« Tout est fait pour qu’un repreneur se manifeste et pour permettre à l’entreprise de poursuivre son aventure grâce à une aide matérielle, notamment du côté des services administratifs, qui prennent souvent le pas sur la créativité », précise-t-il.
Avant de faire appel à l’administration judiciaire, l’éditeur et son équipe de sept salariés avaient naturellement multiplié les tentatives pour tenter de sortir d’une crise qu’Olivier Petit impute à plusieurs facteurs : recul de la pratique de lecture, essor du marché de la seconde main – lequel « ne fait vivre ni les éditeurs, ni les auteurs », souligne-t-il, ou encore le climat national et international « anxiogène », pesant sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
« Je pense que le modèle économique de l’édition indépendante n’est plus viable »
À ces considérations s’ajoute l’essoufflement du marché de la bande dessinée, cœur de métier historique de la maison. Les efforts de diversification, avec l'acquisition d’Ici Même en juin dernier ou la création du label docu-manga « Kotodama » en janvier, sont arrivés « trop tardivement », admet-il. « Nous avons lancé ce label lorsque le pass Culture permettait aux jeunes d’acheter 300 euros de mangas. Mais, quand nous avons été prêts, il n’y avait plus de pass Culture. »
Convaincu d’avoir « tout essayé pour s’en sortir », Olivier Petit dresse aujourd’hui le constat d’une édition indépendante sur le déclin. « Je pense que son modèle économique n’est plus viable. On ne peut plus y arriver sans être adossé à un groupe », affirme-t-il, encourageant ses confrères à agir rapidement, en mutualisant leurs forces ou en renonçant à leur indépendance pour préserver la création.
« Les éditeurs sont des enthousiastes… Sauf qu’arrive un moment où il n’y a plus de place pour tout le monde. Nous publions 25 titres par an. Pour certains, cela correspond à leur production mensuelle. Le libraire est enseveli sous les livres et n’a pas la surface suffisante pour accueillir 200 nouveautés chaque mois… C’est Don Quichotte contre les moulins à vent », soutient le fondateur qui, en 2006, avait déjà dû renoncer à son autonomie en intégrant le groupe La Martinière, avant de s’en émanciper de nouveau cinq ans plus tard.
« J'ai la certitude que notre entreprise sera reprise dans de bonnes conditions »
Dans l’attente de la décision judiciaire, l’équipe des éditions Petit à Petit continue d’accompagner les auteurs du catalogue, de rémunérer ses collaborateurs et de poursuivre l’éditorialisation des œuvres programmées pour l’année 2026. Depuis plusieurs semaines, la maison s’est même associée à la librairie Lumière d’août, à Rouen, pour mettre en avant l’ensemble de sa production dans un espace éphémère dédié.
En parallèle, Olivier Petit échange régulièrement avec différentes structures éditoriales susceptibles de vouloir reprendre sa maison. À quelques conditions près. « Petit à Petit, c’est moi, c’est mes idées, et j’en ai encore plein d’autres ! Je représente et défends très bien la maison, les auteurs, et l’équipe autour de moi est très soudée. Elle doit rester en place, argue-t-il. Mais, je ne suis pas inquiet. J’ai la certitude que notre entreprise sera reprise dans de bonnes conditions. »
