Blois a une nouvelle fois vibré au rythme de la bande dessinée du 21 au 23 novembre, à l’occasion de la 42ᵉ édition de BD Boum. Après les Rendez-vous de l’Histoire, du 8 au 12 octobre derniers, la ville ligérienne a laissé place au 9ᵉ art, avec un programme dense et un public venu nombreux.
Cette année encore, les amateurs de BD ont circulé entre la Halle aux Grains et le chapiteau. Premier point positif : la météo. Ils étaient nombreux à se réjouir vendredi du retour des scolaires, leur venue ayant été annulée en 2024 en raison d'une tempête de neige. S’il a fait froid dans la Halle ce week-end, les familles, chasseurs de dédicaces et simples curieux étaient nombreux dans les allées, discutant avec les auteurs, déambulant entre les expositions ou s’agglutinant autour des stands des quatre librairies du festival.
« Pour nous, venir à Blois, ce n’est pas une opération blanche »
« L’affluence générale est plutôt bonne. Pour nous, venir à Blois, ce n’est pas une opération blanche », explique Julien Gran Aymerich (L’Échappée Bulle, Issy-les-Moulineaux). L’année dernière, le libraire avait réalisé un chiffre d’affaires de 16 000 euros, ce samedi il a enregistré 1 000 euros de plus. Une dynamique favorable constatée par les trois autres librairies venues d’Orléans, Tours et Blois, à l'instar de Gilles de la librairie Legend BD à Orléans : « Pour nous, c’est toujours rentable d’être présents ici. Cela permet de mettre en avant des artistes régionaux, en plus des plus connus. »
À BD Boum, les librairies représentent les grands éditeurs, quelques auteurs régionaux, et les auteurs « orphelins », comme les appelle Olivier Boyer de la Librairie BDLire à Tours, pour parler des bédéastes venus à Blois mais dont la maison d'édition n'a pas fait le déplacement. Parmi eux figuraient BeneDì chez Steinkis, Chadia Loueslati chez Marabulles (Marabout) ou Titwane chez Albin Michel.
Se mêlent ainsi aux éditeurs indépendants de gros éditeurs représentés sur les stands par les libraires et les référents événementiels. Une organisation propre à Blois, expliquée par son directeur Bruno Genini : « Nous nous entendons en amont avec les gros éditeurs pour qu’ils fassent venir certains auteurs, et ce sont les libraires qui gèrent la représentation sur place. L’Échappée Bulle, par exemple, s’occupe de Casterman et Delcourt. » Le festival s'occupe des frais qu'il partage ensuite avec les éditeurs. Un système hybride qui attire selon son directeur de nouveaux acteurs chaque année à l'instar récemment de Gallimard.
Ce système intermédiaire réjouit les libraires : « Cela nous permet aussi de gagner en visibilité, d’approfondir les contacts avec les éditeurs et auteurs que l’on rencontre ici et que l’on peut inviter en dédicace à la boutique », explique Julien Gran Aymerich.
12 expositions
Autour des librairies, les plus jeunes déambulent entre les expositions du festival, comme celle de Julien Arnal. Elle fait partie des 12 expositions réparties entre la bibliothèque, comptant, entre autres, l’exposition sur Taïwan, pays invité d’honneur de cette édition, l’hôtel de ville pour l’œuvre de Romain Garnier, ou encore le centre de la déportation et son exposition dédiée à Madeleine, résistante (Dupuis).
Héroïne de Jean-David Morvan, prix Jacques-Lob 2024 et Dominique Bertail, Grand Boum 2024, Madeleine, résistante était partout à Blois cette année : sur les grands escaliers Denis-Papin, sur les affiches, dans l’exposition dédiée à son illustrateur à la Maison de la BD, qui fêtait ses 10 ans, et au Centre de la Résistance, de la Déportation et de la Mémoire, où s’est tenue samedi après-midi une table ronde sur la résistance dans la bande dessinée, grande thématique de cette édition.
Les Kerascoët remportent le Grand Boum
Les deux auteurs ont d’ailleurs félicité leurs successeurs lors de la cérémonie de remise des prix, samedi 22 au cinéma de Blois. Les Kerascoët, couple d’auteurs à l’origine, entre autres, de Miss Pas Touche et Jolie Ténèbre, ont été distingués du Grand Boum pour l’ensemble de leur œuvre. Marzena Sowa, connue notamment pour ses récits sur son enfance polonaise dans la série Marzi (Dupuis), a reçu le prix Jacques-Lob du meilleur scénario.
Du côté des éditeurs, nombreux sous le chapiteau, le festival tient aussi ses promesses. « Je préfère être sous le chapiteau, l’ambiance me rappelle les festivals de métal », se réjouit Maël Nonet des éditions Rouquemoute, éditeur nantais présent depuis de nombreuses années, soulignant une fréquentation stable d’une année à l’autre.
Convivialité dans un contexte éditorial sous tension
Un enjeu majeur pour le fondateur de la maison, en grande difficulté financière depuis plusieurs mois, qui vient aussi pour écouler ses stocks : « On ne peut plus compter sur les ventes en librairie. C’est terrible, quand on parle entre éditeurs, le contexte est dur pour tout le monde », déplore-t-il.
En face, dans la Halle aux Grains, Frédéric Fourreau des éditions Patayo occupait son stand pour la dernière fois à Blois. Un contexte austère qui ne transparaît pas sous le grand chapiteau, où éditeurs et libraires se réjouissent de revenir chaque année dans un festival « accessible et convivial », ajoute l’éditeur nantais.
Un avis aussi partagé par Pascal Mériaux, directeur du Pôle BD Hauts-de-France, membre de Club 99 via le festival de BD d’Amiens, dont il est le co-créateur, directeur de l’association On a marché sur la bulle et directeur des éditions de La Gouttière : « Pour la maison, c’est un festival gratuit, familial. Donc c’est vraiment typiquement le genre d'évènement où il faut qu’on vienne. Blois n’a qu’un défaut : les kilomètres qui nous séparent, mais à part ça, c’est un plaisir renouvelé chaque année. »
Angoulême sur toutes les lèvres
Salué pour son ambiance familiale et accessible, BD Boum a été comparé à de nombreuses reprises à son grand frère, le festival d’Angoulême, menacé d’annulation pour des problèmes de gouvernance. « Moi, je suis bien content de ne pas y aller cette année à Angoulême. J’en ai marre de ce festival, c’est l’usine », exprime Jean-Pierre Meunier, gérant du stand Librairie Legend BD Orléans. Certains éditeurs, comme Pauline Veschambes, responsable éditoriale des éditions Petit à Petit, parlent d’un « immense gâchis pour les auteurs et éditeurs ».
Le FIBD, dont l'édition 2026 est plus incertaine que jamais, était sur toutes les lèvres. « Il faut absolument que la raison l’emporte au sein de cette structure et que les choses repartent de bon pied. En revanche ça ne m’inquiète pas pour Blois. Les auteurs et éditeurs saluent votre visée populaire avec un grand P », a revendiqué Marc Gricourt, maire de Blois depuis 2020. Ce dernier a souligné l'importance de la gratuité de l'évènement, qui lui permet de capter un plus large public. Et l'édile de conclure, ambitieux : « On a notre place et je ne désespère pas qu’on soit sur le haut du podium d’ici quelques années ».




