A quoi ressembleront les bibliothèques dans dix ouvingt ans ? Quel sera leur rôle ? Depuis plusieurs années, ces questions taraudent les professionnels de la lecture publique, touchés par la révolution numérique. A l'occasion de son 40e anniversaire, la bibliothèque municipale de la Part-Dieu à Lyon organisait le 11 décembre une rencontre sur le thème "Quelles bibliothèques publiques pour demain ?". Parmi les tendances esquissées : la convergence entre les problématiques des bibliothèques publiques et celles des bibliothèques universitaires.
Dans son futur bâtiment prévu pour 2014, la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, qui accueille déjà 33 % de lecteurs non universitaires, affirmera son rôle au sein de la cité avec une salle d'exposition, un auditorium et un programme culturel, même si, comme le souligne Albert Poirot, son directeur, "cette dimension fait débat". Autre constat : les deux modèles de référence actuels - "troisième lieu" pour les bibliothèques publiques, learning center pour les bibliothèques universitaires - ne font pas l'unanimité : "ne mettre en place que du "troisième lieu", c'est la mort des bibliothèques", a prédit Patrick Bazin, directeur de la BPI. Le futur sera donc polymorphe, et c'est tant mieux. Les bibliothèques seront, par exemple, "des pôles forts d'intégration des individus dans la société", a indiqué Olivier Goy, du réseau des bibliothèques de Genève, ou encore «des lieux d'éducation, de loisirs et d'échanges", pour Liv Saeteren, venue présenter le projet à 300 millions d'euros de la future bibliothèque municipale d'Oslo.
Symbole politique
Mais, parce que le futur des bibliothèques a déjà été débattu ou encore parce que le contexte actuel est peu rassurant, c'est finalement le présent qui a, plus que l'avenir, dominé les échanges. Deux communications ont rappelé que pour beaucoup de bibliothèques dans le monde, le principal enjeu n'est pas de survivre à Internet, mais de survivre tout court. Evoquant la situation dramatique dans le nord du Mali depuis son occupation par les islamistes et les rebelles touaregs, Amadou Békaye Sidibé, de la Direction nationale des bibliothèques et de la documentation du Mali, a souligné la dimension idéologique des pillages : «Les rebelles s'attaquent aux bibliothèques comme symboles de l'Etat, par anti-occidentalisme, et parce que la question de la représentation dans les livres est problématique pour l'islam." Même point de vue dans le texte envoyé par Jassim Jirjees, chercheur à l'université américaine de Dubai, rappelant la destruction des bibliothèques irakiennes lors de l'invasion américaine en 2003 : «Le but était de priver le pays de sa civilisation et de son patrimoine." Pour envisager le futur des bibliothèques, il faut déjà convaincre l'opinion publique et surtout les financeurs de l'utilité de ces établissements, quelle que soit la forme qu'ils prendront.