13 mars > Roman Italie

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Quand le prolixe Sicilien Andrea Camilleri réussit son coup, il frôle le génie. C’était le cas de La concession du téléphone (Fayard, 1999), roman éclaté où le récit progresse par juxtaposition de documents, lettres, rapports, ou conversations rapportées. Andrea Camilleri a repris ici la même structure narrative, pour les aventures de Grhane Mbssa Sollassié, neveu du Négus le ras Tafari Haïlé Sellassié, empereur d’Ethiopie, séjournant en Sicile, à Vigata, en 1929-1930.

L’épisode est authentique. Il y eut bien un neveu du Négus habitant à Caltanissetta, de 1929 à 1932, élève à l’Ecole des mines dont il repartit diplômé pour son pays. Quant au reste, il est dû à l’imagination de son auteur, et à son projet : se moquer de Mussolini, ainsi que des rêves d’empire du Duce.

Le neveu du Négus qui débarque à Vigata à l’âge de 19 ans, deux choses l’intéressent : tomber le plus possible de filles, et soutirer le maximum d’argent aux Italiens, puisqu’il est l’hôte du gouvernement. Mussolini, espérant grâce à lui se gagner les bonnes grâces de son oncle ombrageux, imagine même de le faire venir à Rome, assister à sa rencontre avec quelques ras bien disposés envers l’Italie, ou encore de lui faire écrire une lettre à Haïlé où il dirait tout le bien qu’il pense de l’Italie fasciste et de son Duce ! En vain. Le jeune homme parviendra à les tenir en haleine durant des mois, avant de vider son compte en banque et de s’enfuir vers Marseille, en compagnie d’une jeune Sicilienne ! Précisons que Grhane est déjà marié en Ethiopie.

Auparavant, il en aura fait voir de toutes les couleurs au ministre, au préfet, à l’aristocratie locale, faisant tourner toutes les têtes, féminines certes, mais aussi celle de Rainer Müller, le fils d’un ingénieur allemand nazi tombé amoureux de cet « Untermensch » basané ! Moyennant pécunes, Grhane est prêt à tout. En haut lieu, ses frasques sont dissimulées et les témoins mutés…

On rit beaucoup dans ce roman grinçant, nouvelle prouesse technique d’Andrea Camilleri. Quant à son but, il est atteint : Benito et sa clique sont campés en parfaits bouffons. Ce qui est moins drôle, c’est qu’en 1935 l’Italie a attaqué et envahi l’Ethiopie, se lançant dans un conflit aussi absurde qu’inégal. Durant cette guerre, Brhané Sillassié, le vrai neveu du Négus, fut sauvé par Giovanni Curcuruto, un de ses anciens camarades de l’Ecole des mines de Caltanissetta, en poste à Addis-Abeba. La réalité est parfois aussi belle que la fiction. J.-C. P.

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