Histoire/France 5 février Robert Gildea

Le Brexit est le rejet de l'Europe par le peuple anglais - un peu plus de la moitié seulement mais une majorité tout de même. Il est surtout la réaffirmation de l'idée de souveraineté et de l'identité nationale. Mais quelle est-elle au juste cette identité ? L'Angleterre était-elle devenue Cool Britannia - jeu de mots des spin doctors de Tony Blair, détournant le chant patriotique « Rule Britannia ! », « Commande, ô, Britannia ! » (Britannia, personnification de l'Angleterre, comme, de ce côté-ci de la Manche, Marianne) ? Tout portait à le croire. Descendu de l'Eurostar, on avait affaire à un pays multiculturel décomplexé prônant la tolérance des communautés - fussent-elles intolérantes, Londres, réputée nid de djihadistes, a été surnommée un temps Londonistan -, les avancées sociétales (le mariage gay) et l'alliance heureuse entre tradition et modernité (le groupe ska Madness a joué sur le toit de Buckingham Palace pour le jubilé de la reine !). En fait, pas tant que ça. Le Brexit aura lieu.

Les champions de cette sortie, dont le populiste Nigel Farage et l'actuel Premier ministre Boris Johnson, ont joué sur une corde sensible cachée qui vibrait plutôt aux sons de l'hymne susmentionné. A l'époque en campagne pour le non à l'Union européenne, l'ex-maire de Londres claironne : « Nous gouvernions autrefois le plus grand empire du monde ait jamais connu [...] Sommes-nous vraiment incapables de négocier des traités commerciaux ? » Un an plus tard en février 2017, un certain candidat à la présidence de la République française en visite à Alger condamne le fait colonial que la France avait fait subir au pays hôte. Le mot fut lâché : « crime contre l'humanité ». Deux dirigeants, deux visions, assez emblématiques des personnages politiques qu'ils sont mais aussi miroir de leur nation, rêvée ou idéale. Ainsi s'ouvre L'esprit impérial de Robert Gildea. L'historien britannique spécialiste de la France contemporaine livre une anatomie comparative entre ces deux anciennes puissances coloniales que sont la France et l'Angleterre. De la débâcle du canal de Suez en 1956 à la manifestation « Je suis Charlie », en passant par le refus de Chirac à la guerre en Irak, les deux nations sont hantées par le spectre de la colonisation et balancent entre passé mythifié, culpabilité et « fracture coloniale » mal vécue par les populations immigrées issues de ces pays jadis dominés. Aujourd'hui l'ambition d'expansion économique demeure, dans la nostalgie de la grandeur ou dans le dépassement du paternalisme colonial. Impérialiste un jour, impérialiste toujours ?

Robert Gildea
L'esprit impérial : passé colonial et politiques contemporaines
Passés composés
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 25 euros ; 496 p.
ISBN: 9782379331053

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