3 mai > Roman France > Michèle Kahn

Roman historique inspiré d’un personnage réel, Loin de Sils Maria raconte la success story d’un jeune berger descendu à la fin du XVIIIe siècle de ses Alpes natales de la République des Grisons, devenu un célèbre pâtissier-confiseur à Berlin. "Menée par le bout du nez" par son héros, écrit-elle, Michèle Kahn, auteure notamment de La clandestine du voyage de Bougainville, Shanghaï-la-juive et Un soir à Sanary, reconstitue avec détail et admiration l’itinéraire de Gian Josty, né en 1773 dans une famille huguenote d’un hameau pauvre et reculé, en contrebas du village de Sils Maria, dans la Haute-Engadine.

Gardien de chèvres, le garçon rêve à 11 ans d’épouser sa voisine Ladina, mais un incident le contraint à fuir pieds nus son rude paradis d’altitude pour trouver refuge à Magdebourg, en Prusse, à plusieurs centaines de kilomètres de chez lui, où son cousin Jacob qui tient une prospère confiserie - une activité traditionnelle des émigrés des Grisons - le prend en apprentissage. Là, pour s’intégrer, il devient Johann, ouvrier curieux, enthousiaste et ambitieux. En cinq ans, il apprend le métier de "Zuckerbäcker, mot à mot boulangers du sucre": maîtriser les dix à douze degrés de la cuisson du sucre répertoriés à l’époque, l’art du fruit confit et du massepain. Mais c’est à Berlin, la capitale de la Prusse, qu’associé à un ami d’enfance il fera fortune, ajoutant glaces, chocolat et "devisenbonbons, les bonbons à message" à ses spécialités, devenant le fournisseur attitré de la cour prussienne. Là que le "hardi confiseur" croisera Napoléon, entré en vainqueur en 1806. Là qu’il bâtira un empire commercial dans la première décennie du XIXe siècle en développant le Café Josty avant de contribuer à l’essor de ses montagnes natales, devenues entre-temps canton de la Confédération helvétique.

L’ascension individuelle du petit berger, modèle exemplaire de l’épopée de centaines de "Zuckerbäcker" des Grisons, partis filer le sucre Loin de Sils Maria, croise l’histoire mouvementée de l’Europe. C’est dans ce hameau déshérité, qui deviendra plus tard un lieu de villégiature prisé des célébrités et des têtes couronnées et où sera inauguré le célèbre hôtel Waldhaus en 1908, qu’est enterré Johann Josty, mort en confiseur accompli, le 5 septembre 1826 à 54 ans. V. R.

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