Ils ne sont peut-être pas tous là, mais ils font tous peur ! C'est d'ailleurs leur raison d'être. Faire descendre le monde aux gémonies : montrer l'invisible, nommer l'innommable. C'est pourquoi ce Who's Who du crime est un peu plus qu'un annuaire des assassins. Une sorte d'envers du monde où se manifeste ce sentiment de la démesure que les Grecs traduisaient par le terme hubris.
Producteur de l'émission "Mauvais genre" sur France Culture, spécialiste de Jules Verne - on lui doit un précieux Dictionnaire et un Album de la "Pléiade" - et amateur de mystiques, François Angelier est attentif à tout ce qui se passe à la marge. Cette descente aux enfers effectuée avec son collègue Stéphane Bou, journaliste et chroniquer sur France Inter, n'était pas sans danger, surtout quand on pilote un collectif.
Le résultat de ce Dictionnaire des assassins et des meurtriers est à la hauteur des espérances. A la différence du fameux Dictionnaire des assassins de René Réouven (Denoël, 1974 et 1986), dans lequel l'auteur des Histoires secrètes de Sherlock Holmes avait écrit toutes les notices, il s'agit ici à chaque fois de petits "essais noirs", d'analyses, de mises en perspective signées par une quarantaine de journalistes, écrivains, universitaires et curieux. Parmi eux, citons Denis Crouzet, Pascal Ory, Arlette Farge, Elisabeth de Fontenay, Christian Jambet, Pierre Cassou-Nogues, Didier Blonde, Christine Montalbetti, Michel Meurger ou Pacôme Thiellement.
Tous ont répondu à ces interrogations fondamentales : "Comment s'articule le rapport entre un bourreau et sa victime ? Entre une haine et sa cible ? D'où vient le geste et quel est son mobile ? De la figure de quel mal est-il le symptôme ? Comment est-il reçu par ceux qui le découvrent ? Comment peut-il produire des positions et des jugements contradictoires ? Comment une violence peut-elle se faire discours ou message à décoder ?"
Qu'ils soient religieux, mythiques, imaginaires ou historiques, ces monstres nous montrent l'autre côté de l'âme humaine, et chacun trouvera matière à réflexions avec Gilles de Rais, Jules Bonnot, Lacenaire, Landru, Violette Nozière, Jack l'éventreur, les soeurs Papin, le docteur Petiot, mais aussi le Max Aue de Jonathan Littell, le Patrick Bateman de Bret Easton Ellis, le Hannibal Lecter de Thomas Harris, Le Lafcadio de Gide, le Meursault de Camus, le Raskolnikov de Dostoïevski, le Jacques Lantier de La bête humaine ou, plus surprenant, l'esclave de Hegel qui apparaît dans La phénoménologie de l'esprit pour un meurtre symbolique. Dans ce panthéon noir, il y a même une place pour une victime : Elizabeth Ann Short, alias le Dahlia noir, terrifiant trait d'union entre l'assassinat et les beaux-arts...