16 août > roman France > Vanessa Schneider

"Il n’y a plus rien à écrire sur Maria puisque Maria n’existe plus pour le monde. Je conserve néanmoins la pochette rouge, mausolée de ta gloire. Je l’emporte partout, lisant et relisant les bribes de ta vie." La Maria à qui s’adressent ces mots est celle qui fit une apparition fulgurante dans le septième art. Silhouette sensuelle et coruscante, elle se brûlera les ailes dès son premier rôle à 19 ans, un emploi d’âme damnée et de corps soumis que lui fit jouer en 1972 Bernardo Bertolucci dans Le dernier tango à Paris aux côtés de Marlon Brando, et auquel on ne cessera de l’assigner.

La pochette rouge où sont conservées les coupures de presse concernant l’actrice, qui jouera aussi dans Profession : reporter d’Antonioni ou encore dans La baby-sitter de René Clément, appartient à sa jeune cousine Vanessa, l’auteure de Tu t’appelais Maria Schneider. Journaliste au Monde et romancière, Vanessa Schneider avait eu le projet de faire ce livre avec cette grande cousine, fille de la sœur de son père Michel, qui vécut chez eux lorsqu’elle était enfant. Mais Maria Schneider, qui avait si bien débuté - elle avait été parrainée par Alain Delon et Brigitte Bardot - ne s’en sentait pas capable. Trop douloureux: comment parler d’une existence qui est partie à vau-l’eau, du film de Bertolucci, bien sûr, qui l’avait stigmatisée, avec la fameuse scène de sodomie. Que dire d’une mère, pas aimante, qui l’avait eue avec Daniel Gélin, cet acteur en vue qui l’avait perdue de vue, et jamais reconnue? A quoi bon relater son addiction à l’héroïne? La pulpeuse actrice à la chevelure frisée, déjantée, toxico, tantôt exubérante tantôt amorphe, avait toujours exercé une fascination sur la petite fille qu’était Vanessa, la jeune fille puis la femme qu’elle deviendrait.

Seule avec ce projet de récit de vie, après la mort de l’intéressée en 2011, l’auteure de La mère de ma mère (Stock, 2008) s’approprie le destin de Maria pour mieux lui rendre hommage. Tu t’appelais Maria Schneider est une élégie sans effusion, qui sonne juste, à l’émotion contenue, où l’écrivaine tutoie la disparue pour qu’elle ne disparaisse pas tout à fait, pour retenir cette part d’enfance à elle. Le "tu" dessine ici cette figure de fleur qui s’étiole qu’est la comédienne déchue - les nuits folles des années 1970, l’enfer de la drogue, les crises de folie à Sainte-Anne, les anecdotes de tournage, une aventure avec Patti Smith, l’histoire d’amour avec A., la femme de sa vie, qui tenta jusqu’à son cancer final de la sauver. Et le "tu" de glisser vers le "je", Vanessa qui raconte en parallèle son enfance au sein de sa famille bizarre, de hippies excentriques et de militants maoïstes, sa propre difficulté de trouver sa place et sa connivence naturelle avec "l’enfant perdu" qu’était Maria. Sean J. Rose

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