Vendredi 24 décembre 1847. A Djemâa-Ghazaouet, un petit port au nord-ouest de l'Algérie situé à une trentaine de kilomètres de la frontière marocaine. L'émir Abd el-Kader et ses camarades viennent de connaître la défaite face au corps expéditionnaire français après une résistance longue et acharnée. Les voici maintenant sur le point de connaître aussi l'exil.
"Durant plus de quinze années, ils avaient lutté contre une armée solidement équipée et bien nourrie. Une armée qui était à l'époque la plus puissante du monde", rappelle Abdelkader Djemaï. Là, ils sont 97 à être sur le point d'embarquer à bord du Solon. Une frégate de cent soixante tonnes commandée par le capitaine de corvette Jean-Louis Charles Jaurès. A Oran, ils embarqueront ensuite sur l'Asmodée et prendront la direction du sud de la France.
Avant cela, la plupart vivaient au sein de la Smala. Une forteresse dépourvue de muraille, de remparts et de fossés. Une ville ambulante, une gigantesque ruche. Celle-ci, qui compta jusqu'à vingt mille habitants, était constituée pour un quart de fantassins, d'artilleurs, de cavaliers. A sa tête, on trouvait un émir charismatique, un chef de guerre et un grand ami des livres que les Français avaient appelé "le Sultan des Arabes". Poète, voyageur, maître soufi, ce musulman respectait le christianisme qu'il avait étudié et cherchait le dialogue.
Abd el-Kader fut salué par Victor Hugo et le jeune Rimbaud. Il fut prisonnier à Toulon, puis sur l'île Sainte-Marguerite, dans le château où était né Henri IV, et enfin à Amboise. Avant d'être libéré en octobre 1852 par Napoléon III en personne. De se rendre en Syrie puis de mourir à Damas. L'auteur d'Un été de cendres (Michalon, 1995, repris en Folio) et de Zorah sur la terrasse : Matisse à Tanger (Seuil, 2010) fait revivre tout un pan d'histoire à mesure qu'il conte brillamment l'épopée d'un personnage atypique et marquant.