Nul prince mieux que Louis XIV n’a incarné le monarque absolu. Nec pluribus impar, "à nul autre pareil", on peut même dire que l’absolutisme, c’est lui ! Coup de maître : à la mort de Mazarin en 1661, le jeune roi qui jusque-là semblait plus occupé des ballets où il brille par ses talents de danseur, fait arrêter le surintendant des Finances Fouquet et décide de régner seul, sans "principal ministre". Louis XIV, c’est donc une certaine idée de la fonction royale - une autorité d’airain figée dans le carcan d’une étiquette ritualisée à l’extrême : lever du roi, coucher du roi, des gestes millimétrés telle une liturgie. Si le duc de Saint-Simon brosse dans ses Mémoires posthumes un portrait peu amène d’un roi qui ne cesse de faire la guerre et légitime ses "bâtards", Voltaire dans son Siècle de Louis XIV (1751) loue un prince sous le sceptre duquel la France rayonne par ses arts. On peut pardonner à tant de majesté : "Il avait ses défauts, le Soleil a ses taches mais il est toujours le soleil…", écrit l’auteur de Candide. Aujourd’hui encore, Louis XIV et son règne sont synonymes du goût classique français, mais cette France "colbertiste" à l’administration tatillonne, les ors d’une république trop verticale, c’est la faute à Louis ! La vérité est mitigée, comme le rappelle Lucien Bély dans son introduction du Dictionnaire Louis XIV qu’il a dirigé : "Il n’a pas l’étoffe d’un héros mais il a entraîné ses sujets dans un rêve de grandeur qui a étonné ses contemporains à tel point que certains ont vu en lui le plus grand roi du monde et ont pensé qu’il y avait un siècle de Louis XIV." A l’occasion du tricentenaire de la mort du Roi-Soleil, voici donc trois ouvrages autour de sa personne et de son illustre château. Deux dictionnaires chez Robert Laffont ("Bouquins"), l’un, précité, sur le souverain et son époque (les guerres, l’étiquette, les amours du roi, la santé, la religion, la perception de l’homosexualité) et l’autre sur Versailles et son fonctionnement : des appartements royaux aux bosquets et fontaines, et également sur son image à travers des témoignages de touristes anglais du XIXe siècle ou d’écrivains (Dumas, Zola). Complémentaire de ces deux ouvrages, paraît Louis XIV intime, un beau livre intelligent qui tente au moyen de la très riche iconographie royale de restituer dans les interstices de la mise en scène du pouvoir "un Louis XIV "tel qu’en lui-même", sentimental, attachant, terriblement humain".
Sean J. Rose