30 avril > Biographie France

On l’appelait "l’archange noir du rock". Un de ces garçons à qui tout fut promis et tout fut repris. Blouson noir, chaîne de vélo, transes épileptiques sur scène, "Brand new Cadillac" et gueule d’amour, Vince Taylor se prenait pour Elvis - il eut le destin de Chet Baker. Au regard de la légende, ce n’est pas rien. A celui de la vie, ce fut surtout la traversée d’une vallée de larmes et de colères. Que cherchait-il, ce Brian Holden, petit Anglais né du Blitz et de la faim, réinventé en chanteur américain sous le nom de Vince Taylor ? Quelle grâce ? Quel salut ? A moins que ce ne soit, selon le mot de Céline, "le plus grand chagrin possible avant de mourir".

Peut-être juste ce qui vient de lui arriver avec le livre que lui consacre Fabrice Gaignault. Qu’on cesse de seulement l’envisager et qu’un regard authentiquement bienveillant, enfin, le dévisage. La seule cohérence qu’eut jamais ce concentré de rage et de masochisme qu’était Vince Taylor fut de s’acharner à toujours tout rater. Sa vie, sa carrière et, pour finir, même son mythe qui demeure de bric et de broc. Lancé par Eddie Barclay (qui ne chercha jamais vraiment à le rattraper…), ce monstre de charisme, à la présence scénique inouïe, fusilla pour toujours l’obscène idée d’un avenir possible le jour où, devant se produire devant un "tycoon" du dessin animé à Hollywood désireux d’en faire une star outre-Atlantique, il se "produisit", erratique, psalmodiant être une réincarnation de Matthieu, le disciple du Christ… Le reste ne fut plus qu’un long épilogue que Fabrice Gaignault arpente comme un fan qui saurait que l’envers du décor n’est jamais que l’autre face de la légende. Et si chaque biographie est toujours, pour peu qu’on y prête attention, un portrait chinois du biographe, alors Gaignault, après ses Egéries sixties (Fayard, 2006) et Aspen terminus (Grasset, 2010), nous offre encore une fois une promenade de dandy dans un jardin pour fous, assassins, filles perdues et rockers épileptiques. Et ce voisinage-là est délicieux.

O. M.

Fabrice Gaignault
Vies et mort de Vince Taylor
Fayard
Tirage : 5 000 ex.
Prix : 18 euros ; 232 p.
ISBN : 978-2-213-66152-0
Sortie : 30 avril

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