anéantir, le nouveau roman de Michel Houellebecq ne sort que le 7 janvier en librairie, avec un tirage massif à 300000 exemplaires. A la veille de Noël, le roman, publié par Flammarion, est déjà piraté et piratable. Si le téléchargement illégal de livres numériques n'est pas nouveau, il concerne essentiellement des livres déjà publiés. Ici, le cas est plus surprenant. Il a fallu se procurer une copie avant. Ce qui est beaucoup plus difficile... mais pas impossible, visiblement.
"Il semblerait que le texte circule déjà sur les réseaux, dans un PDF de qualité, d'après les échos que j'ai", écrit sur Twitter, dès mardi, un blogueur spécialiste du livre électronique, Hervé Bienvault. Mercredi 22 décembre, le site du journal Le Parisien relaie l'information le premier, parlant d'un fichier PDF sur un site internet qui se vantait d'avoir un autre utilisateur de Twitter.
Selon l'AFP, il y a deux sites où on trouve cette copie de qualité ainsi qu'un troisième site qui permet d'obtenir, toujours illégalement, une version Epub (destinée aux liseuses), remplie de scories informatiques. Hervé Bienvault évoque ce jour-là "8 000 téléchargements sur un seul site québécois", et "beaucoup de choix possibles" comme "un serveur russe" et des "sites miroirs bien connus des milieux académiques". L'éditeur Flammarion a répondu à l'agence de presse que ses services juridique et informatique faisaient leur possible pour obtenir la fermeture des pages internet en question.
Une copie pirate impeccable qui ne provient pas de l'exemplaire envoyé aux journalistes
Le premier site internet sur lequel Flammarion a trouvé le roman de Michel Houellebecq est domicilié aux États-Unis, puis renvoie vers divers sites de stockage domiciliés en France, en Allemagne et aux États-Unis. Pour réussir à "tuer" toutes ces pages internet, les démarches sont extrêmement fastidieuses. Un précédent roman de l'écrivain, Soumission, publié en janvier 2015, avait également été piraté quelques semaines avant. On a soupçonné fortement le pirate d'avoir scanné, avec des moyens peu sophistiqués, un exemplaire destiné à un ou une journaliste. L'affaire n'aura pas de suite: pas d'enquête, pas de coupable de cette violation flagrante du droit d'auteur.
Mais comment une copie de anéantir a-t-elle pu se propager si vite alors même que le livre n'a pas été envoyé en format numérique mais uniquement en format imprimé (un épais volume de 736 pages) à environ 600 journalistes vendredi dernier? Or, le fichier illégal PDF d'anéantir ne semble pas venir d'un journaliste. Le numéro d'identifiant du livre (ISBN) n'est pas complet, avec des "X" à la place des sept derniers chiffres, tandis que les exemplaires destinés à la presse ont un ISBN complet. Et d'autre part le scan, impeccable, paraît réalisé à partir de feuilles imprimées à plat, non reliées en volume, alors que les journalistes ont reçu un volume prêt à la vente.
Le roman est sous embargo jusqu'au 30 décembre pour la critique. Rien ne dit, désormais, qu'il ne se sera pas brisé par des lecteurs de la version piratée... Le piratage de livres électroniques reste mal puni. Une seule affaire en la matière a abouti devant la justice française: en mai, le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné neuf personnes, membres de la "Team AlexandriZ" qui avaient piraté près de 24000 titres entre 2010 et 2013.