Découvert avec 101 Reykjavik (Actes Sud, 2002), adapté au cinéma par Baltasar Kormakur, Hallgrimur Helgason débarque aux Presses de la Cité avec un opus plein comme un œuf. L’Islandais le dit d’emblée : La femme à 1 000° est un roman. Une histoire « basée dans une certaine mesure sur des faits et des individus réels », mais bel et bien une fiction.
La narratrice, Herra, vit depuis huit ans à Reykjavik. Dans un garage mal chauffé avec « pour unique compagnie un ordinateur portable et une vieille grenade ». Bloquée au lit à cause de son emphysème, la pauvre s’est créé plusieurs pages Facebook et compte plus de sept cents amis, dont un culturiste australien avec lequel elle échange des mails. Herra respire « comme une locomotive au départ » et fume des Pall Mall. La voici qui se met à dérouler le fil de sa vie.
Et raconte qu’elle est née Herjörg Maria Björnsson à l’automne 1929. Sa mère était domestique sur une île. Son père, Hans Henrik, était un fils d’ambassadeur. Il a vu Herra pour la première fois quand elle avait 7 ans. Pendant la guerre, il a choisi de combattre du côté allemand… Intarissable, l’héroïne d’Hallgrimur Helgason explique qu’elle a été féministe avant l’heure et a accumulé les maris. Elle a voyagé au Cap, à Hambourg, où elle a croisé les Beatles et embrassé un John Lennon qui lui rappelait Buddy Holly, et à Paris, où elle est tombée sur Jean-Paul Sartre dans un bouge à Pigalle. Herra a la ferme intention de se faire incinérer, réjouie par la perspective des mille degrés qui enflamment le cercueil.
Madame a un avis sur tout, ou presque. « Les Islandais n’ont aucune manière, n’en ont jamais eu et n’en auront jamais », soutient notamment celle qui pense que « la vie est une question d’équilibre » ! Truculent et réjouissant, La femme à 1 000° enthousiasme par sa vitalité, son romanesque échevelé, sa protagoniste hors norme et le portrait en creux d’un pays qu’Herra juge taiseux, avec une langue bien trop grande pour une société si petite. Al. F.