6 novembre > récit France

Chaque volume d’« Essences », la jolie petite collection d’Actes Sud, se veut « miroir du temps, partition de l’effroi, de l’absence, du bonheur ou de l’éphémère, évocation des lointains ou des voyages perdus ». Après des textes signés Céline Curiol, Cécile Ladjali et Lyonel Trouillot, voici qu’on y accueille La première fois d’Anne-Marie Garat.

Une écrivaine que l’on sait aussi incandescente dans le long cours ou la forme brève. En une cinquantaine de pages d’une plume ciselée, l’auteure de Nous nous connaissons déjà (Actes Sud 2003, repris en Babel) et de L’insomniaque (Flammarion, 1987, repris en Babel) laisse peu à peu remonter les souvenirs d’un autre monde, d’un monde d’hier.

Ceux d’une maison de pierre dans un pays de sable, à l’écart du village dans « cette campagne du Médoc parmi les vignes », que sa mère a fini par vendre. Et aussi ceux d’une autre, qui appartenait à ses grands-parents, où, lors des jeunes étés qu’elle y passait, les volets étaient «toujours tirés sur le jour violent pour garder la pénombre, éloigner les mouches et les guêpes, qui pullulent pourtant, zinzinnent, collées au ruban pendu sous la lampe». Anne-Marie Garat n’a pas son pareil pour retrouver les couleurs, les odeurs, les saveurs et les objets d’antan. On ne sera pas étonné de trouver également ici des photos. Les douze clichés pris avec un Rolleiflex, un mois d’août des années 1970 dans la cuisine du lieu-dit des Calinottes, afin de procéder à un « inventaire d’une actualité humaine ». Inventaire que l’alchimie de l’écriture de la Bordelaise restitue de manière plus belle et plus forte encore. Alexandre Fillon


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