« Stupéfaction. Colère. Tristesse. Accablement. Pour le moins : incompréhension ». C’est avec ces mots que plus de 400 écrivains et personnalités du monde littéraire, dont Marie Ndiaye, Atiq Rahimi, Philippe Claudel, Sorj Chalandon ou encore Jean-Christophe Rufin, ont réagi, dans les colonnes du Nouvel Obs, à l’annonce de la disparition de l’émission hebdomadaire « La Librairie francophone », animée pendant 19 saisons par Emmanuel Khérad. Le programme était coproduit et diffusé sur France Inter, Radio-Canada, RTBF (Belgique) ou encore Radio Télévision Suisse.
« (…) Le public ne s’y est pas trompé, "La Librairie francophone", seule émission produite et diffusée dans quatre pays, est largement écoutée en Belgique, en Suisse et au Canada et reste la première émission littéraire en France – et pas seulement métropolitaine. Comment comprendre cette décision, alors que le temps consacré au livre décline dans tous les médias ? Et qu’on nous répète à l’envi l’importance de soutenir le livre, sa diversité et sa vitalité ? Ne sommes-nous pas en pleine injonction paradoxale ? », s’interrogent d’une même voix les artistes.
Une émission dédiée à la francophonie
Les milieux littéraires québécois et belge ont simultanément partagé leur « grand désarroi » et leur « immense colère » dans une tribune publiée conjointement dans Le Devoir, Le Soir et le média français Actualitté. « Nous ne nous résignerons pas à ce que ce lieu et ce temps précieux et riche que nous offrent Emmanuel Khérad et son équipe, essentiel pour l’avenir de la littérature, pour celui de la langue française, et notre avenir commun, soit brutalement retiré aux francophones et francophiles du monde entier », ont-ils écrit. Les 500 et quelque signataires ont également déclaré avoir le soutien de leurs homologues d’Algérie, de Catalogne, du Chili, du Congo, d’Égypte, des États-Unis, de Guadeloupe, et de bien d’autres pays.
Le 5 mai dernier, Emmanuel Khérad confirmait sur son compte Facebook les informations du Monde et de Télérama, selon lesquelles le rendez-vous de la francophonie, suivi en moyenne par trois millions d’auditeurs, allait être supprimé. L'animateur y précisait que cette décision avait été prise par la station de radio « contre (sa) volonté ».
Un changement de politique
Une nouvelle qui s’inscrit dans un contexte plus global de changement de politique à Radio France. Dans la foulée de la mise à pied de l’humoriste Guillaume Meurice, France Inter a annoncé, entre autres, l’amputation d’une partie du budget de « Grand dimanche soir » de Charline Vanhoenacker, le remplacement de l’émission « La Terre au Carré » ou encore la suppression totale des émissions « Vies françaises » et « C’est bientôt demain ». En réaction à ces annonces et au projet de réforme de l’audiovisuel public porté par le gouvernement, six syndicats de Radio France ont organisé, dimanche 12 mai, une grève sur toutes les ondes de la chaîne.