Disparition

Le metteur en scène Claude Régy est mort

Claude Régy - Photo Comédie Caen

Le metteur en scène Claude Régy est mort

L'immense metteur en scène de théâtre, dont le style singulier et l'exigence sur le texte rendaient chaque pièce unique, est mort à l'âge de 96 ans.

Par Vincy Thomas
avec AFP Créé le 26.12.2019 à 20h01

Claude Régy, metteur en scène de théâtre, est décédé à l'âge de 96 ans, a annoncé jeudi son entourage à l'AFP. "Il est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi, tranquillement, dans une maison de retraite médicalisée", ont indiqué à l'AFP son compagnon Alexandre Barry et son attachée de presse Nathalie Gasser.

Atypique, singulier et exigeant, Claude Régy était réputé pour être à contre-courant de son époque: "Ça me plaît plutôt", disait-il, malicieux, à l'AFP en 2016. Le théâtre de Claude Régy demandait une attention totale, une immersion dans le texte. Peu ou pas de décor, un travail subtil sur l'ombre et la lumière, des acteurs entièrement au service du texte, dans une chorégraphie de mouvements minimalistes, parfois très lents: "Le spectacle n'a lieu que dans l'imagination du public", expliquait-il. Le jeu des comédiens est ainsi plus important que l'intrigue. Il manipule leur diction et leur ton, transformant les textes en phrases hachées, monocordes, ponctués de silences et de respirations.

Depardieu révélé

"Une sorte de faucon, au regard dur et au caractère radical (...) l'apôtre du silence, de la pénombre et du dépouillement": c'est ainsi que Gérard Depardieu, qui a débuté au théâtre avec lui, le décrivait. Lorsqu'il fait passer un essai au jeune Depardieu, âgé de 24 ans, celui-ci est un parfait inconnu (seulement quelques petits rôles au cinéma): "Je l'ai trouvé complètement extraordinaire, doué d'une manière, je dirais, anormale, et à partir de là on a beaucoup travaillé". Depardieu joue coup sur coup de 1972 à 1977 dans six pièces mises en scène par Claude Régy, dont La Chevauchée sur le lac de Constance de Peter Handke qui, selon Depardieu, l'a révélé aux yeux du public.

Né le 1er mai 1923 à Nîmes, Claude Régy débuta en 1952. Il n'avait rien à voir avec le milieu du théâtre. Une famille protestante du Tarn-et-Garonne, un père officier à Montauban qui le contraint à des études de droit et sciences politiques et s'oppose "absolument" à ce qu'il fasse du théâtre: c'est en troisième année à Paris qu'il "explose les études" et s'inscrit au cours de Charles Dullin.  Ses parents lui coupent les vivres, il fait des petits boulots, démarre comme assistant de Michel Vitold au Théâtre de l'Atelier, monte les auteurs anglais comme Harold Pinter, Edward Vond et John Osborne. Il met en scène Jon Fosse, Marguerite Duras, Peter Handke, Françoise Sagan, Fernando Arrabal, August Strindberg, Natjalie Saraute, Fernando Pessoa ou encore Sarah Kane.

Plusieurs publications

Il a du succès, réunit des distributions exceptionnelles: Michel Bouquet, Delphine Seyrig, Pierre Brasseur, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Sami Frey... Il reçoit plusieurs distinctions: le Grand prix national du théâtre en 1991, le Grand prix des arts de la scène de la ville de Paris en 1994, le Grand prix du théâtre du Syndicat de la critique en 2010. 

Homme de l'écrit, il théorise son art en 1991 dans Espaces perdus (Plon), aujourd'hui épuisé, texte que l'on retrouve dans son antholgie Ecrits 1991-2011 (Les solitaires intempestifs, 2016). Dans ce recueil d'écrits philosophiques et esthétiques du metteur en scène, entre entretiens, réflexions et analyses sur son travail, l'éditeur a rassemblé L'ordre des morts (1999), L'état d'incertitude (2002), Au-delà des larmes (2007) et La brûlure du monde (2011).

Il a également publié chez le même éditeur en 2016 Du régal pour les vautours, un livre-DVD présentant soixante années de création du metteur en scène, sa démarche artistique, ses voyages et ses inspirations. D'autres entretiens, avec Stéphane Lambert, sur sa vision du théâtre, ses lectures, ses rencontres, sont parus en 2011 chez Actes sud, dans la collection "Le temps du théâtre", sous le titre Dans le désordre. Avec Laure Adler, il se confie sur le travail de l'écriture et l'essence même de la scène dans Le théâtre, sensation du monde (Ed. Universitaires d'Avignon, 2014).

Par ailleurs, il a fait l'objet de quelques ouvrages tels Le théâtre de Claude Régy: l'éros d'une voix sans bouche d'Elise Van Haesebroeck (L'Harmattan, 2015) ou le très récent Claude Régy, regards croisés, n°234 de la revue Théâtre public (Ed. Théâtrales), sorti en octobre dernier, où des chercheurs et des artistes livrent leurs témoignages sur le metteur en scène et exposent le regard qu'ils ont sur son travail.

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