24 août > Roman Autriche > Christoph Ransmayr

Christoph Ransmayr a beaucoup voyagé, en Asie, dans les Amériques, en Irlande, avant de s’en retourner, riche d’une œuvre qui le classe parmi les grands écrivains germanophones de ce temps, chez lui, en Autriche, à Vienne. Deux siècles et demi plus tôt, Cox, lui, n’a pu que quitter son Londres natal devenu terre de supplices, de tous les chagrins, tous les égarements. Horloger, le plus célèbre et réputé du monde occidental, il a perdu sa fille, son enfant unique et adorée, sa femme aussi, désormais comme murée en sa tristesse. Aussi l’offre qui lui est faite de rejoindre une autre cité interdite, celle de Pékin et la cour du grand et mystérieux empereur Qianlong pour lui prodiguer son art, est-elle bienvenue. Lorsque le monde est devenu désert, pourquoi pas le fil de l’horizon ? Mais celui que va découvrir Cox, sauvage, cruel, magnifique, dépasse l’entendement et fait comme écho à son propre désarroi. La mission qui lui est confiée relève à la fois de l’excès et de la poésie. Le monarque, fils du ciel et de la terre, veut l’être aussi des temps. Ce ne sont pas des horloges, si belles soient-elles, qu’il attend de Cox, mais des mesures de la course du temps. Dans Peau d’âne, il était question d’une robe couleur de lune. Ici il s’agira de mécanismes sublimes pour mesurer le temps fuyant ou suspendu d’une vie humaine, ce temps qui est à chacun différent, celui des enfants, des amants, des condamnés (l’empereur use volontiers de son droit de vie et de mort sur ses sujets). Cette course qui précipite chacun à son rythme vers sa fin…

Il faut toute l’ample maîtrise romanesque de Christoph Ransmayr, sa délicatesse et son souffle, pour mener à bon port Cox ou La course du temps, ce récit historique, qui est une fable et, en même temps, en excède les codes. Il y faut aussi chez nous toute la justesse et la fluidité de la traduction de Bernard Kreiss. Toute l’œuvre de Ransmayr tient en une histoire : celle d’hommes pris dans les glaces, des Pôles ou de leur tristesse. Ce livre n’y fait pas exception, mais il substitue au temps assassin des hommes l’infinie consolation de la poésie. O. M.

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