Dans l'accompagnement de l'exposition "Des jouets et des hommes" (1), Nicolas Witkowski montre les liens qui existent entre le ludique et le scientifique. Et cela depuis que la science s'est constituée en discipline autonome à partir du XVIIe siècle. Journaliste, traducteur, auteur (Trop belles pour le Nobel : les femmes et la science, Seuil, 2005) et éditeur (notamment au Seuil et chez Gallimard), Nicolas Witkowski a aussi enseigné les sciences physiques dans le secondaire pendant vingt-cinq ans.
Fort de ces expériences multiples dans le domaine de la transmission du savoir scientifique, il examine en quelques brefs chapitres joliment illustrés les relations évidentes entre l'émerveillement et la compréhension, rappelant la formule d'Einstein : "Le jeu est la forme la plus élevée de la recherche." Jouer, c'est occuper son temps autrement ; c'est même savoir le perdre pour mieux le retrouver ; c'est laisser vagabonder son esprit dans la fascination pour quelque chose, un mécanisme, un objet, une image.
Witkowski raconte ainsi comment le prisme qui fascinait les enfants dans les foires finit dans les laboratoires après que Newton s'en procura un pour révéler la nature de la lumière et finir par nous éclairer sur l'expansion du cosmos et le big-bang. "L'origine de l'univers était dans la caisse à jouets, commente-t-il."
Les toiles de Chardin auxquelles il est souvent fait allusion représentent des scènes de la vie quotidienne au XVIIIe siècle avec des enfants jouant avec des totons - des petites toupies - ou des bulles de savon. L'artiste peignit si méticuleusement le réel qu'il fit de la physique sans le savoir. "L'enfant poursuit finalement le même but que le physicien, le philosophe ou le mathématicien en quête d'invariants et de structures qui traversent le temps, constate Witkowski. Il va droit à l'essentiel, à ce qui est caché derrière les choses. Il va droit aux lois de la nature."
Pas de libido scienti, de soif du savoir, sans curiosité. Et pas de curiosité sans amusement. Car l'ennui est l'ennemi du savoir. Witkowski rappelle que non seulement les sciences ont une histoire, mais que cette histoire passe aussi par l'émerveillement de certains enfants comme Pierre Curie ou James Maxwell, le père de l'électromagnétisme, pour les toupies ou encore la fascination qu'éprouva à 5 ans Albert Einstein devant une boussole. "L'histoire ne raconterait-elle pas, finalement, comment les petits d'hommes sont incités dès leur plus jeune âge, par l'intermédiaire des jouets, à s'initier aux grands secrets du monde ?" En somme, faire du magasin de jouets un palais de la découverte.
(1) Au Grand Palais, à Paris, du 14.9.2011 au 23.1.2012.