Le jeu de société gagne de l’importance en médiathèque. « Il faut encore prouver sa légitimité en bibliothèque, auprès des usagers comme des collègues. Mais il se répand dans la totalité du réseau et c’est un super moyen de faire venir les ados », explique la bibliothécaire lyonnaise Anastasia Essirard. Une tendance qu'observe Vincent Bonnard, ancien ludothécaire et membre de la commission Jeux à l’Association des bibliothécaires de France (ABF) : « Avant, nos établissements étaient centrées sur la conservation ; aujourd’hui, ils cherchent la conversation avec les usagers, invités à rester sur place pour faire du lien social. » Les professionnels sont désormais encouragés à trouver les moyens de répondre à cette nouvelle vocation.
Comment ne pas concurrencer l’offre locale ?
En proposant un service complémentaire. Certaines ludothèques se spécialisent dans l’enfance, d’autres dans le prêt à la maison, alors que les bars à jeux sont plutôt ouverts le soir et attirent des initiés. En proposant de faire découvrir le plaisir du jeu, la médiathèque peut ainsi servir de porte d’entrée vers les autres établissements. « La médiathèque et le bar à jeux peuvent même créer des événements en commun, et leurs usagers fréquenter les deux établissements, s’ils se font écho. Le jeu peut rayonner dans plein de structures différentes », plaide Vincent Bonnard.
Prêt ou pas prêt ?
Le jeu sur place demande un espace où l’on puisse faire du bruit, ainsi que du mobilier et des médiathécaires pour expliquer les règles et venir régulièrement prendre la température de la partie.
Le prêt nécessite une autre logistique : ajouter un champ dans le logiciel de la bibliothèque (qui indique par exemple le nombre de joueurs pour le jeu présenté) et faire l’inventaire de chaque pion ou carte. Pour vérifier rapidement que les joueurs n’ont pas égaré trop d’accessoires, certains établissements pèsent la boîte à son départ et à son arrivée, ou marquent d’un trait le niveau des pièces dans leur compartiment. « Mais ces techniques ne permettent pas de vérifier si une carte a été déchirée… »
Et si le jeu est détérioré ?
« Des éditeurs remplacent gratuitement les pièces de leurs jeux auprès des professionnels de la médiation, rassure Vincent Bonnard. Mais cela demande du temps à l’agent qui s’occupe de faire la demande. »
S’il manque une pièce et que le jeu n’est plus édité, la médiathèque peut organiser un rassemblement de joueurs et de ludothèques qui s’échangent les pièces dont ils ne veulent plus.
Quelle formation ?
Expliquer les règles d’un jeu de rôle tenant sur quarante pages demande certaines compétences. Elles peuvent s'acquérir avec un Master Sciences du jeu à la Sorbonne-Paris Nord, des stages au Centre national de Formation aux Métiers du Jeu et du Jouet, près de Lyon, ou des formations à la demande auprès de l’Association des ludothèques de France (ALF). «Une offre encore limitée », déplore l’ancien ludothécaire, qui travaille sur la question.
Et le puzzle ?
Porte d'entrée vers le jeu de société, le puzzle collaboratif fait des émules. Les joueurs se posent une minute ou une heure, seuls ou en groupes, et l'œuvre prend peu à peu forme. « C’est une proposition qui résonne particulièrement chez les étudiants, quand ils ont besoin de faire une pause et gagner en concentration », commente Vincent Bonnard. Faut-il ajouter que le puzzle peut se réaliser en silence, qu'il ne demande aucune règle et peut se pratiquer à tout âge ? Il n'exige qu'une table et de l'attention. Comme le livre.