Clémentine Mélois, née en 1980, est l’héritière de Jacques Roubaud, éminent oulipien et oulipologue, lequel signe en guise de préface de son livre, Cent titres, une énumération où il se prend au jeu du pastiche et du collage. Exercice infini, puisqu’il suggère à Clémentine d’autres sujets, comme Un coup de cornet à dés jamais n’abolira le hasard. Pour le remercier, l’ingrate, à propos de Ethylique et l’infini, essai du philosophe Emmanuel Lavinasse, fait grief à son mentor d’avoir dégusté un jour un infect "roubaud-réserve". Un écrivain, même grand satrape, ne saurait tout contrôler.
Dans Cent titres, son premier ouvrage, déniché par Charles Dantzig, Clémentine Mélois mêle littérature et littérature, vie quotidienne et chanson, pour réaliser des pastiches à l’aide de contrepèteries, de calembours, de références à la vie moderne ou de simples jeux graphiques. Ainsi, Lévi-Strauss signe Cinq Cent Un, Jeanne Mas Le rouge et le noir, Henri Michou La nuit remue, Jean Racine Wifigénie, André Malraux les Lettres de mon Jean Moulin…
Chaque ouvrage pastiché se voit consacrer une "double" : à gauche un court texte explicatif, satire de Wikipédia ; à droite, un photomontage de la couverture dudit ouvrage, toujours en collection de poche. Mais Francis Sponge, lui, a droit à ses Œuvres complètes en "Pléiade", assorties d’une notice personnelle, comme Léon Tolstoï avec son Père et gay. Car, si Cent titres se veut avant tout ludique, il ne saurait être considéré comme gratuit. Clémentine Mélois ne se privant pas d’ajouter son grain de sel ici ou là. Par exemple, elle note que "en 2014, au sein de l’Union européenne, neuf pays ont légalisé l’adoption homoparentale, ce qui n’est toujours pas le cas de la Russie".
Dans le chapitre qu’elle s’autoconsacre, la potache post-oulipienne définit son projet comme un "jeu formel et sémantique", qui "amuse", certes, mais "interroge notre attente et notre réception du livre, des mots et des images". On ne saurait mieux dire. Chacune de ses couvertures devrait être éditée en carte à jouer, et l’on jouerait en famille au jeu de Mélois, qui remue les méninges et fait regretter que tous ces livres ne soient qu’imaginaires. J.-C. P.