La dégénérescence maculaire liée à l'âge touche environ 8 % de la -population française « mais sa fréquence augmente largement avec l'âge : elle touche 1 % des personnes de 50 à 55 ans, environ 10 % des 65-75 ans, et de 25 à 30 % des plus de 75 ans », précise l'Institut -national de la santé et de la recherche médicale. Pour ces personnes, lire devient difficile.

Bibliothécaire volontaire dans une clinique gériatrique à Versailles depuis trente-neuf ans, Lina Saporta est depuis longtemps en contact direct avec ces personnes présentant un trouble visuel. Alors qu'« à l'époque il n'y avait pas assez de livres en gros caractères », elle fonde Feryane en 1991 pour répondre à leurs besoins.

Dans son sillage, l'offre de livres adaptés s'est développée. De nouvelles maisons sont nées comme A vue d'œil, les éditions Retrouvées, Voir de près, Libra Diffusio ou encore La Loupe, permettant de proposer une offre plus large. Leur essor a permis une « mutation du lectorat, analyse Grégory Chaquin, éditeur chez Libra Diffusio. Les grands caractères touchent bien sûr les seniors avec ou sans handicap, mais aussi les quadragénaires dont les yeux sont fatigués et qui recherchent une lecture confort. » Sans oublier l'ensemble des lecteurs malvoyants. « Les grands caractères et les seniors sont deux univers qui ne se chevauchent pas complètement », résume Cécile Saporta, aujourd'hui directrice de Feryane.

Une riche variété

Si le lectorat s'est élargi, les éditeurs de livres adaptés n'ont pas modifié leur ligne car, ils en sont convaincus, « les lectures des seniors sont plus variées que ce que l'on peut imaginer : ils lisent de tout », assure Cécile Saporta.

« Les seniors sont inclus de facto dans nos catalogues mais je ne pense pas ma production éditoriale en fonction des catégories de personnes », souligne Agnès Binsztok, qui a repris A vue d'œil, il y a deux ans. Elle entend satisfaire tous les appétits littéraires et proposer un « nectar de lectures », l'éditrice a en parallèle fondé Voir de près en septembre 2017 pour éditer des titres comme Vernon Subutex de Virginie Despentes (Grasset), Le malheur du bas d'Inès Bayard (Albin Michel) ou La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben (Les Arènes).

Une ambition poursuivie par Feryane qui souhaite « offrir un éventail assez large de la production éditoriale française » avec Là où les chiens aboient par la queue d'Estelle Sarah-Bulle (Liana Levi) ou la saga L'amie prodigieuse d'Elena Ferrante (Gallimard). Chez Libra Diffusio, les lecteurs ont notamment le choix entre les romans de Guillaume Musso, Gilles Legardinier ou Agnès Martin-Lugand, quand La Loupe propose Un hosanna sans fin de Jean d'Ormesson (Héloïse d'Ormesson) ou Ma vie de Bacha Posh de Nadia Hashimi (Castelmore).

Au sein de son catalogue, Alban du Cosquer, fondateur de La Loupe, publie également des inédits, « une quarantaine de livres pratiques sur l'alimentation et la santé qui visent spécifiquement les seniors ». Bien que ces ouvrages enregistrent « de toutes petites ventes », entre 100 ou 200 exemplaires, l'éditeur y « tient beaucoup » et ne compte pas renoncer à les publier.

Si l'édition de livres adaptés « marche bien », les temps sont tout de même « difficiles », admet Alban du Cosquer. Principalement disponibles en bibliothèque, ces ouvrages peinent à entrer dans les rayons des libraires. En cause : un manque de place pour ranger ces ouvrages plus volumineux que les autres, une mauvaise image des livres adaptés souvent assimilés à la vieillesse ou au handicap, et une rotation pas assez rapide en rayon. Pourtant, selon Grégory Chaquin, une visibilité accrue en librairie « pourrait être un relais de croissance et permettre d'attirer une nouvelle population de lecteurs qui ne vont plus acheter de livres ».

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