C'était un dimanche soir du printemps dernier, à l'heure de la plus grande écoute, sur TF1. D'une voix douce et fatiguée, un homme inconnu de presque tous, mais dont le travail ne peut avoir laissé quiconque indifférent, venait dire face à la caméra qu'il allait mourir et que c'était mieux ainsi. Fred Rister, l'idole cachée et française des dancefloors, des stades, des festivals techno du monde entier (I gotta feeling des Black Eyed Peas, c'est lui ; ainsi que tous les plus grands tubes de David Guetta), venait dire que, atteint pour la neuvième fois d'un cancer, il cessait tout traitement pour ne plus s'en remettre qu'à la vie et à un supposé miracle. 

D'une certaine façon, ce miracle a déjà eu lieu. Il s'intitule Faire danser les gens et rappelle que la littérature, la vraie, ne se conçoit qu'en termes d'urgence et se niche où elle veut, parfois dans les lieux les plus improbables. Précisons d'emblée que même si vous êtes devant l'électro pop music (dont Fred Rister se revendique) comme une poule devant un couteau, votre lecture de ces Mémoires pétris d'humanité ne devrait nullement en souffrir. Et là où l'on pouvait attendre l'autobiographie narcissique d'un chanteur de variétés un peu passé de mode, on se retrouve avec quelque chose, un objet littéraire non identifié, qui n'est pas très éloigné du Mars de Fritz Zorn (la colère en moins, sans doute). Il règne tout de même sur ces pages, en même temps qu'une prégnante mélancolie, une infinie et très troublante douceur. Celle d'un enfant du Nord (qu'il n'a jamais quitté, même le succès venu), de Malo-les-Bains, un peu introverti comme le sont parfois ceux à qui socialement il n'est promis nul horizon, grandi auprès de son père dans le silence et la fierté de ce qu'il est, de ce qu'il aime. C'est-à-dire la musique, cette musique pop et électronique qui lui vient de l'autre côté de la Manche et amènera ce jeune garçon coiffeur de l'autre côté de l'Atlantique, réinventé en « mogul » de l'hédonisme et du rythme. Entre-temps, la maladie essaiera de gâcher la fête. Avec ce livre, il est évident qu'elle aura échoué.