Outre-Manche, la révolution numérique a déjà eu lieu. Les dernières statistiques sur le marché du livre britannique, délivrées par Bowker à la veille de la 42e Foire du livre de Londres, montrent qu’en 2012 les sites Internet pure players, Amazon largement en tête, ont vendu plus de livres que les librairies traditionnelles. C’est à notre connaissance le premier marché à avoir basculé du côté d’Internet. En chiffre d’affaires, les magasins restent encore légèrement prédominants - à cause du discount pratiqué sur Internet. Mais cela risque de changer rapidement si le mouvement constaté ces dernières années se poursuit : en moins de sept ans, un tiers des librairies britanniques ont fermé.
Craignant leur fin prochaine, les libraires se mobilisent. Dans les allées de la foire, de nombreux visiteurs portaient en bandoulière un sac affichant le slogan « Les livres, c’est mon truc », une campagne réalisée conjointement par l’Association des libraires de Grande-Bretagne et d’Irlande, et l’Association des éditeurs pour inciter les lecteurs à aller en librairie - et pas seulement pour commander ensuite leurs livres sur Amazon comme le constatent de plus en plus souvent les libraires.
Pourtant, si la firme de Jeff Bezos était au centre des préoccupations, le climat, sur les stands des éditeurs, était paradoxalement bien meilleur que l’année dernière, alors que les groupes internationaux étaient sonnés par l’accusation d’entente illicite du département de la Justice américain.
Finalement, grâce au trafic généré par Amazon, aussi bien sur la vente de livres imprimés que sur celle des ebooks (11 % des ventes de livres désormais), le marché britannique n’a baissé que de 1 % en 2012 (contre 1,5 % en France). Du coup, même s’ils savent que cette situation est inquiétante pour l’avenir, les éditeurs vaquent à leurs affaires sans états d’âme.
D’autant que de nouveaux interlocuteurs sont venus remplacer les pays de l’Europe du Sud, à la peine. Le Brésil a été un des gros acheteurs de droits cette année, comme les Turcs, invités d’honneur de la manifestation et, dans une moindre mesure, les Russes. Du coup, la Foire de Londres pour les Britanniques, c’était « business as usual », malgré le basculement du marché intérieur.