L'historiographie veut que ce soit pour aider son père Étienne, veuf, passionné de sciences, commissaire du Roi en Normandie, c'est-à-dire, entre autres, chargé de percevoir les impôts (et donc de les chiffrer), que Blaise Pascal, 19 ans en 1642, ait inventé à Rouen une machine à calculer tout à fait révolutionnaire. Qu'on ne nous demande pas selon quels principes : en dépit des efforts de pédagogie déployés par Laurent Lemire, collaborateur de Livres Hebdo, nous n'avons rien compris, et ses contemporains non plus d'ailleurs. Si la machine fut connue, si elle reçut en 1645 un privilège royal face aux contrefaçons grâce au tout-puissant chancelier Séguier (à qui l'inventeur adressa une longue lettre, reproduite en fin de volume), elle ne fut fabriquée qu'à une vingtaine d'exemplaires. Neuf demeurent, dont quatre au Conservatoire national des arts et métiers.

Esprit de géométrie (et d'arithmétique) autant que de finesse, écrivain polymorphe (mais dont l'œuvre est largement inachevée), souffrant profondément dans sa chair, Pascal, a travaillé à sa « roue pascale », ou « pascaline », durant dix ans. Presque jusqu'à sa fameuse nuit du 23 novembre 1654 où il reçut une illumination, vit Dieu et se convertit au jansénisme. Les Provinciales témoignent de son engagement. Quant aux Pensées, c'est sans doute le livre le plus bizarre de notre littérature. Descartes n'aimait pas Pascal. Voltaire l'appelait « ce fou sublime ». Chateaubriand « cet effrayant génie ». Lemire, lui, se glisse dans son cerveau (malade) afin d'en décrypter les arcanes. Une gageure.