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Laurent Genefort, « Les temps ultramodernes » (Albin Michel) :Vendredi noir ou la vie sauvage

Laurent Genefort - Photo © Lionel Allorge

Laurent Genefort, « Les temps ultramodernes » (Albin Michel) :Vendredi noir ou la vie sauvage

Au fil d'une uchronie steampunk grandiose, Laurent Genefort nous balade entre le Paris des années folles et les colonies martiennes. Tirage à 5000 exemplaires.

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Par Cédric Fabre
Créé le 21.12.2021 à 11h00 ,
Mis à jour le 26.12.2021 à 10h00

Nous sommes en 1924. Venue de sa province rurale sinistrée (parce qu'après la guerre les hommes ont quitté les campagnes et les écoles se sont vidées), une jeune institutrice amatrice de George Sand, Renée, monte à Paris en quête d'une nouvelle affectation, qui risque fort de la conduire dans les colonies de Mars. Sa route croise celle d'un jeune homme, Georges, qui rêve de devenir peintre. Ce dernier fréquente l'avant-garde en picolant dans les troquets et en déblatérant sur les nouveaux courants artistiques, de l'alterréalisme au sidéralisme, que son ami Flavien lui résume ainsi : « La ville nous envoie sans cesse des signaux occultes. L'art est de savoir les capter, puis de les restituer. »Dans ce Paris des années 1920, en proie à une gigantesque crise économique et ingénieusement recréé par Laurent Genefort, des socialistes désabusés font tourner des tables et répandent la spiritualité indienne tandis que de vieux médecins adeptes de « l'apuration de la race » sont envoyés sur Mars pour y perpétuer le règne humain. À l'origine de cette crise, le krach boursier du 11 mai 1923 - le fameux « vendredi noir » - lié à la chute brutale du cours de la cavorite, ce métal « antigravitatif » sur lequel reposent depuis trente ans à la fois toute l'économie, l'organisation sociale, les technologies et la vie quotidienne... On venait alors de découvrir que non seulement ce métal précieux devenait rare, mais qu'en plus il avait une durée de vie limitée, ce qui a poussé des hommes d'affaires à spéculer sans vergogne, comme William Lamont, qui s'est défenestré d'une frégate aérienne après avoir causé la banqueroute de ses clients.

Entre Verne et Asimov

Les insouciants continuent de se déplacer en paquebot volant, en Aéropolitain ou en tramway flottant, et les miséreux arpentent des rues peuplées de monstres de foire et d'hommes-sandwichs. Renée tombe même sur un Martien blessé, qu'elle recueille et à qui elle décide de donner alors une « instruction républicaine ». Pendant ce temps, l'inspecteur Peretti, proche de la retraite, espère finir sa carrière sur un coup d'éclat quand, entre une enquête sur la pègre et le démantèlement d'un trafic de Bugatti, il met la main sur un mystérieux stock de lingots de plomb.

Chez Genefort, la révolution industrielle devient une sorte de monstre pensant et agissant qui dépasse ses instigateurs en se révélant d'une perversion destructrice ; la vérité de l'uchronie, ici, c'est celle d'un monde capitaliste qui œuvre à raser sa propre Histoire. L'écrivain s'inspire autant de la crise de 1929 que de la géopolitique actuelle, celle d'un système économique basé quasi exclusivement sur l'énergie fossile. Son roman éclaire tout autant l'Histoire qu'il propose en filigrane d'autres- et alternatives- représentations de l'avenir, sans jamais tomber dans le révisionnisme. Il excelle surtout à installer une ambiance et des décors spectaculaires, entre l'art nouille, le symbolisme et le rétrofuturisme, alliant le récit initiatique et le roman d'aventures pour bâtir une œuvre unique, quelque part entre Jules Verne, Francis Carco et Isaac Asimov.

Laurent Genefort
Les temps ultramodernes
Albin Michel
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22,90 € ; 464 p.
ISBN: 9782226461599

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