Missionnaire
Une destinée tient parfois à un fil. Né dans une famille auvergnate traditionnelle, « catho mais sans plus », c'est par l'orgue que le jeune Jean-Yves Labat de Rossi s'est intéressé à la religion, au point, un temps, de vouloir devenir moine. « Mais missionnaire, précise-t-il, et tout en détestant toute obéissance à une autorité. » Heureusement pour lui, après le petit séminaire, son directeur de conscience bénédictin lui a fait comprendre que sa place était ailleurs.
Mister Frog
En 1970, Jean-Yves, rétif au service militaire, fuit la France et, après un passage par le Swinging London, se réfugie à Woodstock, où vivait la famille de sa femme. Là, par hasard, il rencontre le tout-puissant producteur Albert Grossman, manager de Dylan, entre autres. En pleine période baba, il prend le pseudonyme de Mister Frog, invente avec son synthétiseur une espèce de rock progressif, et mènera sous ce nom une carrière à éclipses (notamment au sein du groupe Utopia). « Sans me prendre pour une rock star, commente-t-il en riant, je suis super culte ! »
Idi Amin Dada
En 1977, sur une idée de Grossman, il se rend en Ouganda afin d'enregistrer une version revisitée de Little drummer boy, où le sanguinaire dictateur jouerait de l'accordéon. « Incroyable mais absolument authentique ! » Au début, tout se passe bien, il s'introduit auprès du « major » Bob Astles, un Britannique d'héritage écossais, homme de confiance du potentat. Mais soudain, tout dérape. Le voici arrêté, emprisonné dans le terrible camp de Nakasero, et plutôt malmené. Puis libéré par miracle et expulsé du pays. « Je ne sais toujours pas ce qu'ils me voulaient et je m'en veux un peu de ne pas avoir mené l'enquête. » Le traumatisme demeure. Il lui a inspiré son premier livre.
Écriture
« J'ai écrit ce livre comme on écrivait à l'époque, explique Labat, 100 % rock. Je ne suis pas un écrivain, mais il fallait que je l'écrive moi-même. » Quand on rapproche son style, très parlé, truffé de mots anglo-saxons, de raccourcis et de jokes, de celui de Frédéric Dard/San-Antonio, et son aventure d'un épisode des SAS de Gérard de Villiers, il se marre et ajoute : « Certains de mes premiers lecteurs m'ont même comparé à Céline ! » Il a déjà d'autres sujets de livres en tête, notamment sur Sarajevo.
Peace and love
Missionnaire à sa manière, Jean-Yves Labat de Rossi, une fois revenu en France, s'est engagé en inlassable militant de la paix, persuadé que la musique adoucit les mœurs. C'est ainsi qu'en 1993-1994, il a monté Trebevic, composée de Serbes, de Croates et de Bosniaques, enregistrée dans la cathédrale de Sarajevo avec les grandes orgues. Il a récidivé dix ans après, avec le projet D'une seule voix, réunissant des Israéliens et des Palestiniens lors d'un concert mémorable à Jérusalem : « C'était au temps où on pouvait encore rêver d'humanité. » On aurait bien besoin qu'il reprenne son bâton de pèlerin.
Rock me Amin. De Woodstock aux prisons ougandaises. Bap trip pour un hit
Arthaud
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19,90 € ; 304 p.
ISBN: 9782080296047