Dans l'enquête «Les stars attaquent», publiée vendredi 28 juin, Livres Hebdo explique comment, depuis une dizaine d'années, les stars envahissent le roman, et ce dès le titre. Celles-ci ne se laissent pas faire et attaquent parfois les éditeurs comme de vulgaires magazines people, invoquant l'utilisation frauduleuse de leur nom à des fins commerciales.
Lattès en a fait les frais et Karina Hocine, la directrice littéraire en charge de la littérature française, a décidé au dernier moment de changer le nom d'un des romans de sa rentrée, celui d'Arnaud Friedmann, qui s'appelait Le fils de John McEnroe. Il a été rebaptisé Le tennis est un sport romantique.
Sur le thème de la filiation et de la fidélité aux rêves d'enfant, le livre raconte l'histoire d'un garçon, né de père inconnu. Alors que l'enfant regarde la finale de Roland-Garros, en 1984, sa mère lui affirme que son géniteur est John McEnroe, et le garçon grandit dans ce fantasme. «Tout était sous presse, raconte Karina Hocine, mais dans le climat actuel, dans cet environnement-là, dans ce calendrier-là, nous devions réagir. C'est un renoncement contextuel qui me désole. Je détesterais l'idée que l'inspiration romanesque soit désormais contrôlée par la menace de lettres d'avocats.»
En effet, début juin, l'éditeur a reçu une lettre de l'avocat de Scarlett Johansson, qui a décidé de poursuivre la maison d'édition ainsi que Grégoire Delacourt pour utilisation frauduleuse du nom de la star dans La première chose qu'on regarde, roman dans lequel le héros, adepte des poitrines généreuses, découvre l'actrice, qui se révélera être un sosie, sur le pas de sa porte.
Contacté par Livres Hebdo, Me Vincent Toledano fait savoir que : «La comédienne Scarlett Johansson, dont je suis l'avocat, a chargé mon cabinet de poursuivre sur le plan judiciaire l'exploitation frauduleuse et illicite de son nom, de sa notoriété et de son image au mépris de ses droits de la personnalité pour les besoins de la commercialisation et de la promotion d'un ouvrage qui contient de surcroît des allégations attentatoires à sa vie privée. La liberté d'expression qu'elle défend en tant qu'artiste n'est pas en cause. De tels procédés à des fins purement mercantiles sont sans lien avec la création».
Depuis une dizaine d'années, ce sont plus de vingt romans qui portent le titre d'une personnalité publique et les stars se muent en personnage de roman, la France connaissant elle aussi une «breatestonellisation» de la fiction, en référence au romancier américain qui fut l'un des premiers à user du name dropping, citant allégrement des noms connus et des marques.