Dimanche soir. L’angoisse du dimanche soir. Au moment de me mettre à mon blog, elle revient du fin fond de mon enfance. Le déjeuner familial, trop copieux, qui laisse nauséeux ; la perspective du lundi avec les devoirs ou les articles pas faits qui ont empoisonné tout le week-end. La première fois, ce devait être en 6 e . Notre prof de musique avait une réputation épouvantable. Il nous avait demandé d’acheter une flûte et la partition d’un air que j’ai oublié. « Ceux qui ne l’auront pas fait seront punis ! » A 9 ans j’ai découvert que mes parents ne savaient pas tout. Trouver la flûte et la partition, ma mère qui travaillait dans un quartier de fabricants d’instruments l’a fait pour moi. Mais personne dans une famille de secrétaire et d’ouvrier menuisier ne savait lire une portée musicale. Je me suis couché dans une terreur qui ne m’a pas quitté depuis. Plus tard ce seront les articles à apporter le lundi matin au journal, La Vie catholique . Ce soir c’est un blog. C’est idiot : je ne sais que vous dire. Je pourrai attendre, si ce n’est cette peur de ne pas savoir, que cela se voit, se sache. La honte. Alors prenons La route avec McCarthy . Je vais donc transgresser la règle que je m’étais fixée. Tricher, quoi. Editer et critiquer reste à mes yeux impossible. Je le crois toujours ! Mais je vais oublier ce serment. Il est vrai qu’on ne traverse pas un tel livre en simple lecteur, même si on le fait en tant que « critique littéraire». La route est un livre somptueux et qui en même résonne de façon étrange dans mon coeur. Comme toujours l’écriture de McCarthy est exigeante, sa construction nimbée dans une sorte de temps arrêté où le début et la fin n’ont pas de sens. Pourtant le récit est plus simple, la situation plus ramassée : un homme et son fils traversent un monde détruit par une catastrophe, sans doute nucléaire, à la recherche d’un salut dont ils ne sont pas dupes. Dieu est silence. Au mieux. Aux Etats-Unis, La route qui a reçu le prix Pulitzer, a été lu par deux millions de lecteurs. Un exploit pour un de ces écrivains américains « cachés » comme Pynchon ou Salinger. Sans doute aussi ce livre de McCarthy est-il le plus accessible. Il ouvrira au plus grand nombre les portes d’une œuvre magistrale. L’approche du départ de notre dernier fils à l’autre bout de la terre contribue aussi à la peur qui m’a saisi à cette lecture de La route . S’il ne risque pas l’horreur de certaines scènes du livre, je n’ai jamais autant senti –physiquement- la responsabilité d’avoir mis des enfants au monde. Ce qui était du domaine de l’évidence à leur naissance dans les années 80-90 a progressivement changé. Notre monde m’inquiète, la France semble couver une mauvaise fièvre, de partout les menaces semblent se rapprocher. Sauront-ils faire face ? « D’accord » répond l’enfant du livre avec une lucidité qui est notre seul espoir. Editeur c’est un métier . Si j’ai pu me remettre à lire les grands livres (je suis dans Le boulevard périphérique d’Henry Bauchau) c’est que j’ai livré ( !) deux livres à Jean-Etienne Cohen-Seat, le patron de Calmann-Lévy. J’ai l’esprit un peu plus libre après bien des souffrances. Bien sûr le travail, l’angoisse de la feuille blanche ou du carnet de notes trop rempli, ce sont les écrivains qui les éprouvent. Mais celui qui est à leur côté souffre avec eux, s’inquiète pour eux, cherche la bonne distance avec eux. Et qui devrait rester serein, maternel et paternel en même temps… Personne ne m’a forcé, mais je m’interroge :suis-je fait pour cela ? Comme disait un héros de Ressources humaines , le fabuleux film de Laurent Cantet : « Et toi, elle est où ta place ? » Bon, en attendant je peux vous annoncer que le deuxième roman de Barbara Constantine paraîtra cet été et qu’un essai qui m’est très cher sera publié au printemps. Je vais me battre pour eux. C’est plus facile que de se battre pour soi. Une chaîne pour libérer Taslima Nasreen. Appel à l’aide la semaine dernière dans Le Monde au milieu d’un silence assourdissant. Une femme doit se cacher, ses proches abandonnent, elle se sent étouffer. Son crime : avoir dit le sort des femmes dans son pays, sous l’Islam des fous de dieu. Le christianisme a eu les siens, ce n’est pas une raison pour l’abandonner aux autres. Depuis son cri au secours ? Rien ! Et si nous utilisions internet pour faire vivre une écrivaine bâillonnée ? Parlons de ses livres sur nos blogs, faisons passer le mot de pays en pays. Que pas un jour son nom ne soit rappelé, cité, crié. Non pour défendre un symbole, une combattante de la liberté, non simplement une écrivaine, quelqu’un pour qui la littérature est une question de vie ou de mort. _____________ Revue de blogs Deux formidables critiques en miroir le 14/01 de La route et de Un enfant de dieu de McCarthy sur le blog d’Alia Reyes. En prime l’auteur du succès littéraire et érotique Le Boucher vous fait sa Beauvoir version Nouvel Obs . http://amainsnues.hautetfort.com Zut moi qui avait annoncé que 2008 serait « l’année sauvage », voilà Clarabel qui vient me contredire. Pour elle « 2008 sera l’année manga ». Elle commence avec la série Pink Diary œuvre d’une jeune malgache, Jenny. http://blogclarabel.canalblog.com A hurler de rire les aventures de Marief et de Rob Lowe dans ses blogginotes en date du 7/01. Coquine avec ça ! http://bloggino.com Dans la même veine, le « Catalogue des prix d’amour » de Mademoiselle Lapoule, document d’époque assez croquignolet. http://danysat.canalblog.com/ Pour ceux qui n’ont pas assez de livres deux filons : Culture troc recommandé par http://litteraturepassion.over-blog.com/ et des livres voyageurs : deux de Nicolas Cauchy proposés par Caro[line] http://krolinh.lectures.blospot/ et La Grosse de Françoise Lefebvre par Florinette http://www.leslecturesdeflorinette.com Enfin pour ceux qui veulent écrire ou être publié (de grâce oubliez moi !) de bons conseils sur comment-ecrire-un-roman-over-blog.com et le blog d’Ariane Fornia, http://aiglures.over-blog.com