Biographie/France 8 janvier Olivier Margot

Il y a eu Di Stefano, Pelé, Cruyff, Platini, Maradona, Zidane ou Messi. Et puis Il y a aussi eu Matthias Sindelar, « l'homme de papier » (tant il était mince), « le Mozart du football » (tant il avait de grâce), héros et archange d'une équipe presque imbattable, la « Wunderteam », l'équipe nationale autrichienne des années 1930, dont les aléas de l'Histoire ont empêché qu'elle aille tout à fait jusqu'au bout de la sienne.

Qui s'en souvient ? Plus grand monde, à part dans son pays natal, si ce n'est Olivier Margot, l'une des grandes plumes du journalisme sportif du dernier quart du siècle passé, déjà auteur voici quelques années d'un Le temps des légendes (JC Lattès, 2017) qui faisait honneur à la fois à son métier et à la littérature, fut-elle sportive. Qui était Matthias Sindelar, né en 1903 dans un empire austro-hongrois déjà chancelant ? Un enfant des quartiers pauvres de Vienne, imprégné des idées alors naissantes du socialisme et qui parvint malgré la gloire et le talent à rester fidèle jusqu'au bout, jusqu'à en payer le prix ultime, à ses origines comme à ses idées. Vienne lui fut tout à la fois et successivement un refuge, une école de la vie et du savoir et son tombeau. Le football, une grâce qu'il n'avait pas recherché, mais dont il entendit sciemment l'exercer comme on compose une symphonie, comme on se soumet à un don qui vous dépasse, dans l'acceptation et l'accomplissement. Il n'était pas seul bien sûr, même si sur certains matchs ses talents de soliste purent en laisser l'impression. Il y avait ses coéquipiers qui pour la plupart partageaient ses causes autant que son vestiaire et quelques amis sûrs, mentors et autres, qui eurent au fil des ans à le révéler à lui-même. D'une belle formule, Olivier Margot écrit qu'il fut « un astre avant le désastre ». Ce désastre qui l'emportera à son tour, retrouvé mort le 23 janvier 1939, aux côtés de sa maîtresse juive, des suites d'une prétendue fuite de gaz, mais plus probablement d'un suicide ou d'un assassinat perpétré par ceux auxquels jamais il n'accepta de faire allégeance.

Margot écrit aussi : « Parfois, il rêve d'un impossible pouvoir, celui de s'absenter de l'époque. Mais, quand il ouvre les yeux, il n'aperçoit dans la pénombre qu'une tempête de mélancolie tombant des étoiles. » Tout le cœur de ce beau roman est là, dans ce « swing » entre fiction et réel, ce rêve universel et partagé par la grande confrérie des mélancoliques.

Olivier Margot
L'homme qui n'est jamais mort
Lattès
Tirage: 4 000 EX.
Prix: 20 euros ; 280 p.
ISBN: 9782709665254

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