1er Roman/France 6 septembre Pauline Delabroy-Allard

Une passion furieuse qui, comme on dit, emporte tout sur son passage?: il faut être doué pour échapper aux clichés sur un sujet pareil. Mais Pauline Delabroy-Allard relève le défi avec audace et fougue, et frappe fort pour ses débuts avec une histoire d’amour fou où les cœurs et les corps s’embrasent.

La narratrice a aimé Sarah pendant plus d’une année avant qu’elle ne tombe gravement malade. Mais aimer est un mot bien vague et bien faible pour « raconter ça », pour dire l’élan qui précipite ces deux jeunes femmes l’une vers l’autre, comme aspirées dans l’œil d’un cyclone. Pour les deux, c’est une première fois?: ni l’une ni l’autre n’ont été amoureuses d’une femme auparavant. La narratrice est professeure. Mère d’une petite fille, elle vient d’être quittée sans explication par son compagnon. « Latence » est le mot qui lui vient pour qualifier la période qu’elle traverse avant l’irruption imprévue dans sa vie de Sarah, violoniste virtuose. Plus tard, Sarah, donnera sa propre définition de cet état?: la latence, « c’est le temps qu’il y a entre deux grands moments importants ».

Sarah, 35 ans, chavire le monde de la narratrice, fait souffler un vent enragé sur son quotidien réglé. Leur amour est en montagnes russes entre sexe urgent et disputes éruptives. Dans la passion, elles se révèlent à elles-mêmes et se perdent à la fois. Elles s’épuisent, aussi. Car Sarah est une tornade et un vampire. Elle impose son rythme. « C’est une reine. » La narratrice est le noyau stable autour duquel gravite la musicienne voyageuse, toujours entre deux concerts avec son quatuor. « L’été se déroule comme ça. Quand nous sommes ensemble, la vie va trop vite, à toute berzingue. Elle court et je cours derrière elle, dans les couloirs du métro, pour attraper les trains à l’heure, pour nous retrouver quand elle revient. » Même la musique, l’autre protagoniste du roman, est jouée con fuoco

Ce sont deux femmes qui s’aiment, mais ce n’est pas le trait le plus marquant de cette passion, même si celle qui raconte tire ce constat?: « L’amour avec une femme?: une tempête. » Le roman s’attarde peu sur le côté social ou transgressif de cet amour. Ça raconte Sarah, qui évoque parfois L’amour d’une femme de Claudine Galéa (Seuil, 2007), s’attache à l’évidence de l’attraction, au tourment et à la vulnérabilité nés de cet attachement, et qui tiennent à la liberté d’être de Sarah, à sa vitalité débridée. C’est une histoire d’aimantation et d’emprise, au-delà du genre. De dévotion cannibale?: il y a des « nuits où on se mange le cœur écrasé en petites miettes dans la paume de l’autre ». Et l’écriture ardente sans être exaltée de Pauline Delabroy-Allard capture avec crudité cette intensité chaotique du désir.

Quand Sarah met fin brutalement à la relation, l’abandonnée entame une autre descente, une déprise qui la conduira jusqu’à Trieste. Mais on connaissait l’issue dès la première scène?: c’est un amour à mort, un amour condamné. Et ce n’est pas ce « Elle est vivante », répété plusieurs fois comme une incantation, qui va conjurer « ça ».

Pauline Delabroy-Allard
Ça raconte Sarah
Minuit
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 15 euros ; 192 p.
ISBN: 978-27073-4475-5

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