L’Express nous apprend dans ses pages « Business » que le maroquinier Lancel, connu pour ses sacs à main, en perte de vitesse, espère se relancer en ouvrant à partir de décembre un nouveau concept de magasins, conçus comme des « librairies de sacs » (sic). On croit deviner l’idée sous-jacente : vendre ces magasins comme des lieux précieux, où l’on vient chiner dans une atmosphère feutrée. Précision : il y aura « des vitrines coulissantes et des tiroirs ». Ça fait combien de siècles que les concepteurs de ce concept n’ont pas mis les pieds dans une librairie vivante ? *** On se doutait bien que Daniel Rondeau, nommé ambassadeur à Malte, s’ennuierait vite sur son rocher, et chercherait des idées pour essaimer dans la Méditerranée. Le sacre de Beyrouth, élue capitale mondiale du livre 2009 par l’Unesco lui en apporte l’occasion. D’après Le Point , Rondeau affrétera, en partenariat avec la Marine nationale, un bateau de guerre, armé… d’une bibliothèque ! Des écrivains seront à bord. Le navire quittera La Valette (capitale de Malte) pour diverses étapes sur les côtes méditerranéennes, avant de finir son périple à Beyrouth, en octobre 2009, pour l’ouverture du Salon du livre francophone. Nom de code de l’opération : « Ulysse 2009 ». Les militaires, qui ont toujours pensé que les livres étaient dangereux, avaient bien raison… *** Dans Le Point , toujours, ce dessin d’humour, très dans l’air du temps. Un éditeur reçoit un auteur dans son bureau : « Nous allons mettre en place une grosse opération marketing pour le lancement de votre roman, Millanchard. Les noms des personnages principaux, ainsi que le vôtre, seront remplacés par des noms de célébrités ». Pourquoi pas ? J’ai tendu un bras vers ma bibliothèque. Je suis tombé sur le Docteur Jivago. Je l’ai ouvert au hasard (en plus c’est vrai !), et j’ai appliqué le principe du dessin, me contentant de changer les prénoms : « Ségolène poursuivait Martine et quand elle l’atteignait, lui donnait des coups de poing. Elle couvrait sa rivale d’injures qui, dans sa bouche de demoiselle bourgeoise, avaient un écho cent fois plus ignoble que les jurons grossiers, prosaïques, que peut crier un homme. — Ah, garce, ah, roulure ! criait Ségolène. Où qu’on aille, elle est là, à faire des effets de jupe et à rouler ses gros yeux. (…) — Ah ? Tu es aussi la légitime à François ? — Légitime ! Je vais te faire voir, moi, grognasse, poison ! Je te laisserai pas partir vivante, me pousse pas à bout ! — Hé ! doucement ! Bas les pattes, enragée ! Qu’est-ce que tu veux ? — Que tu crèves, chienne, chatte galeuse, traînée… » (p. 281 de l’édition originale, Gallimard, coll. Du Monde entier, 1958) Evidemment, vu sous cet angle, ça redonnerait des lecteurs à un roman qu’on n’ouvre plus guère…