Celui que l’on appelle Jonas fréquente la piscine d’un lycée, ouverte au public durant la pause déjeuner et le soir. Le héros du premier roman traduit en français de Joaquin Pérez Azaústre s’y rend plusieurs fois par semaine, presque toujours à la mi-journée. Il y pratique exclusivement la brasse, la nage la plus lente. Notre homme ne glisse pas sur l’eau : il "pousse" nous dit-on, avance par à-coups en propulsant ses épaules, ses dorsaux, ses bras et un peu moins ses jambes, "car ses membres inférieurs ne sont pas aussi puissants que le reste".
Jonas, qui ne sait que se propulser encore et encore, est parfois accompagné de son ami Sergio, employé d’une compagnie d’assurances, marié et père d’une petite fille, dont on pense qu’il est son frère. Tous deux croisent "L’Homme-Poisson", athlète dont ils ne peuvent égaler les prestations aquatiques. En dehors du bassin, Jonas est photographe. Séparé d’Ada dont il aimait tant les chevilles, il habite désormais dans un nouveau quartier. Un immeuble dont le concierge semble friand de romans de science-fiction.
Le lecteur apprend peu à peu à connaître un personnage étonnant qui ne supporte pas de tenir un parapluie et se montre sensible aux sons, aux bruits et aux images. Jonas reconnaît qu’il perçoit parfois l’existence "comme un aquarium immense dans lequel il n’était pas réellement parvenu à s’introduire". S’il revoit son père - un père qui lui lance : "Je t’ai toujours aimé, même si je ne te l’ai jamais dit" -, il n’a pas parlé à sa mère depuis plusieurs semaines. Celle-ci a même l’air d’avoir disparu. En ne laissant dans son réfrigérateur vide qu’une barquette de beurre non entamée… Inquiétant et lancinant, Un nageur dans la ville mérite amplement que l’on s’y plonge. Al. F.