Chaque famille se construit par ses récits, transmis de génération en génération. Celle d’Orly Castel-Bloom ne fait pas exception, mais l’auteure israélienne a soudain ressenti le besoin de les ficeler à sa façon. Elle a son style bien à elle, court, ciselé, impitoyable. Depuis ses débuts en littérature, elle cultive des personnages doux-amers et une langue imbibée du quotidien. Une façon de rompre avec la tradition classique. Qualifiée de "post-moderne" par les critiques, elle impose sa voix avec des nouvelles, puis avec Dolly City, un roman inscrit dans la collection Unesco d’œuvres représentatives. Les radicaux libres ou Textile tracent la voie vers le prix Sapir, le Goncourt israélien, qu’elle obtient pour Le roman égyptien. Un tournant lui permettant de revenir à ses fondements, ses racines qui ont irrigué sa vie et son écriture.
Construite de façon anti-chronologique, cette chronique familiale se veut pleine de gravité et de légèreté. Elle illustre le destin des siens, des juifs expulsés d’Espagne, obligés de renoncer à leur pays natal. Certains ont dû renier leur identité pour s’intégrer, comme en témoigne le chapitre tragique "L’année du cochon".
Le sentiment d’exil, géographique et intime est présent dans toute l’œuvre d’Orly Castel-Bloom. Mais cette fois, l’écrivaine s’interroge sur l’abécédaire identitaire. Est-il déterminé par une terre ou par une famille ? Idéalistes, ses proches ont tenté le rêve sioniste au kibboutz, mais la réalité ne les a guère épargnés. Elle éclabousse la quiétude en Israël. "Impossible de s’enfermer dans une bulle", estime l’auteure qui plonge au cœur des difficultés et de la beauté de son pays. Kerenn Elkaïm