Le Garde des Sceaux a annoncé pour ce mois de juin un nouveau projet de loi sur le secret des sources. En quelques mois, les juges ont en effet décidé de faire fi du secret des sources et exigé la communication des fadettes - les facturations téléphoniques détaillées - de plusieurs journalistes. Face aux enquêtes de police et à la justice, les journalistes bénéficient toutefois d'une relative protection des sources. Mais l'éditeur de livres d'investigation ne peut en rien invoquer un quelconque secret professionnel. Les éditeurs sont tenus par les secrets des autres : ils ne peuvent publier librement tous les écrits de professionnels astreints à une certaine réserve, tels que les médecins ou les avocats. Le secret professionnel est à la fois une obligation, mais aussi un droit. Or, les éditeurs ne bénéficient pour leur part d'aucun droit au silence. Certains d'entre eux sont parfois interrogés par les services de police ou les juges à propos de leurs liens avec les auteurs d'ouvrages sulfureux sur le terrorisme, le grand-banditisme, les affaires, etc. Car, sans compter les poursuites dont tout éditeur est passible pour la publication d'un livre litigieux, l'article 101 du Code de procédure pénale autorise le juge d'instruction à faire témoigner « toute personne dont la déposition lui paraît utile ». De même, les écoutes téléphoniques sont possibles chez les éditeurs et leurs auteurs, aux mêmes conditions juridiques que pour n'importe quel autre citoyen. Achevons de noircir le tableau en rappelant qu'il existe, en matière criminelle, une sorte de devoir légal de dénonciation, prévu notamment à l'article 434-1 du Code pénal et qui, là encore, peut bel et bien viser un éditeur. Qu'en est-il des auteurs de livres qui portent aussi la casquette de journaliste ? La presse a depuis fort longtemps revendiqué un droit au secret. Cela figure expressément dans la charte professionnelle de 1918, élaborée par le Syndicat national des journalistes. Il en est de même de la Déclaration des droits et des devoirs, formulée en 1971 par plusieurs organismes professionnels. Mais ces règles purement déontologiques ont été diversement appréciées par la jurisprudence. Il a fallu attendre 1993 pour que l'article 109 du Code de procédure pénale dispose que « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine» . En 1996, la Cour européenne des droits de l'homme a réaffirmé un droit à la « protection des sources journalistiques ». Le projet de Christiane Taubira vise à étendre ce secret aux collaborateurs de la rédaction mais écarte les bloggeurs et autres lanceurs d'alertes. Et oublie totalement le secteur de l'édition de livres. Mais, selon la loi française, réformée notamment le 4 janvier 2010, seul le journaliste-témoin bénéficie du droit au secret. Celui-ci n'est donc pas applicable lorsque le journaliste est soupçonné ou poursuivi, que ce soit pour la publication d'un article, comme pour celle d'un livre. Quant à l'éditeur, les juges n'auront cure de la dignité dans laquelle il peut toujours se draper : le refus de prêter serment de dire la vérité, comme le faux témoignage, sont fortement sanctionnés. De plus, la loi pénale ne définit pas le statut de journaliste. La reconnaissance de cette qualité est donc laissée à la libre appréciation du tribunal. Et il est parfois bien difficile de savoir si une enquête a été effectuée pour le compte d'un organe de communication ou pour la librairie, le cumul des deux supports étant fréquent. Enfin relevons que ceux qui se confient à un journaliste ne peuvent prétendre ensuite à l'obliger au secret sur l'identité de ses informateurs. La protection des sources est une faculté laissée au journaliste et non un devoir qui lui est imposé. Les perquisitions dans une maison d'édition sont possibles. La réforme législative de 1993 sur le secret des sources s'est accompagnée de l'instauration de modalités particulières pour perquisitionner dans les seules entreprises de presse.