Interrogé en tant que président d'honneur de la Ligue des auteurs professionnels sur la situation de la filière livre au sortir du déconfinement, l'illustrateur a estimé que "des organismes comme la Société des gens de lettres […] touchent parfois d'énormes sommes d'argent qui ne vont pas aux auteurs." Il a rajouté : "On nous a promis qu’on aurait droit à ceci, à cela. Les sommes ont été allouées aux organismes dont je viens de parler, qui sont censés les redistribuer aux auteurs et qui ne redistribuent rien du tout."
Joann Sfar fait allusion aux subventions d'urgence accordées par le Centre national du livre aux différents acteurs de la filière livre, gravement affectée par le confinement. La supervision du fonds consacré aux auteurs, doté de deux millions d'euros, a été confiée à la SGDL. Une commission composée des différents acteurs associatifs et syndicaux représentant les auteurs statue chaque semaine sur les dossiers reçus et accorde l'aide. La Ligue des auteurs professionnels ne fait pas partie des organismes représentés, tout comme la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, qui a claqué la porte de la SGDL, le 4 mai, pour dénoncer l'opacité du dispositif. Plus de 500000 euros auraient été alloués aux auteurs depuis le 20 avril, selon la SGDL.
Atmosphère électrique
"Les propos de M. Joann Sfar, que la SGDL considère comme diffamatoires, s'inscrivent dans le contexte d'une campagne de diffusion de fausses informations menée depuis plusieurs mois, notamment sur les réseaux sociaux, par certains membres ou représentants de la 'Ligue des auteurs professionnels', association en quête de reconnaissance et de médiatisation", estime la SGDL.
"Au nom de la confraternité qui a toujours prévalu entre les associations d'auteurs, la SGDL avait jusqu'alors pris le parti de ne pas répondre à ces attaques et allégations mensongères dont elle fait l'objet, rajoute l'organisation. Elle tient aujourd'hui à dénoncer avec fermeté des méthodes qui desservent les auteurs et les actions menées par des associations sérieuses œuvrant de longue date pour les défendre et leur porter assistance."
L'offensive de la SGDL contre Joann Sfar et la Ligue s'inscrit dans un contexte tendu au sein du milieu de la représentation des auteurs. La création de la Ligue, en 2018, émanation de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et des Etats généraux de la BD, a chamboulé le paysage associatif. Plus offensif et militant que ses homologues, ce nouvel acteur entend porter les voix d'une partie des auteurs précarisés, quitte à reprocher leur inaction supposée aux autres associations.
Dans son témoignage, Joann Sfar fustige des "groupements qui sont censés nous représenter, et nous représentent bien mal". L'artiste pointe la représentation professionnelle "paternaliste" des auteurs et montre du doigt les "éditeurs qui siègent au directoire d'organisations qui représentent les auteurs", une situation qu'il qualifie "d'absurde".
La dispute entre la SGDL et la Ligue reflète plus largement le malaise d'une profession touchée par une crise économique et administrative liée aux dysfonctionnements du régime des artistes-auteurs, à laquelle vient maintenant s'ajouter une crise globale du secteur du livre.