L'idée d'un livre, c'est ce qu'il y a de plus difficile à trouver. En histoire, cette idée prend souvent la forme d'une séquence entre deux dates. Ici, il s'agit de sept jours, sept jours au cours desquels le monde n'a pas basculé mais la France vacillé. Irrémédiablement, du 17 au 23 juin 1789. « La Révolution s'est jouée et accomplie en sept jours et cinq décrets. »
En replongeant dans les archives, en exhumant des témoignages passés inaperçus, en relisant d'un regard neuf ceux déjà connus, Emmanuel de Waresquiel offre un récit brillant, rythmé par de courts chapitres qui se succèdent comme autant de scènes d'une Semaine sainte pour la République. L'auteur du remarquable Fouché (Fayard/Tallandier, 2014), vendu à près de 50 000 exemplaires, examine la période comme un entomologiste. Les petits détails, les phrases prononcées, les attitudes prennent soudain de l'importance. Cette semaine où la Révolution « trouve logiquement les raisons de sa dynamique et les risques de sa radicalité » est montrée vue par les députés et vue de Versailles. D'un côté comme de l'autre, l'unanimité n'est qu'une façade, reconstruite après les événements pour masquer les dissonances. Waresquiel montre bien la part de mythe dans l'histoire et comment les faits se reconstruisent en symboles. « Les débuts de la Révolution ressemblent à un règlement de compte trop longtemps différé. » Les choses s'emballent au point d'échapper aux protagonistes comme au roi et à ses ministres, qui courent après l'événement en croyant modifier sa trajectoire. La salle de bal des Menus Plaisirs à Versailles devient une salle fatale. Tout s'y joue le 17 juin. Le désordre l'emporte comme une sorte de mouvement brownien où se mêlent passions, haines, désespoirs et ambitions. « On a tout de même un peu le vertige à l'idée que la nation française est née au plus profond d'une nuit agitée, d'un idéal dont l'abstraction autorise toutes les doctrines d'interprétation. »
Il en est de même pour la recomposition de la scène du serment du Jeu de paume par David avec un Marat qui n'y était pas. « Le serment du 20 juin n'aurait jamais existé si les députés qui l'ont prêté n'avaient été pris d'un sentiment irraisonné de frousse universelle. La constitution qu'ils invoquent l'est d'abord pour leur propre défense. Ce n'est que plus tard qu'elle deviendra l'acte fondateur de la nation. » Le roi lui est à la chasse. « En quelques jours, il perd tout ce qui fonde son identité de roi : la dignité de sa couronne, sa souveraineté, le commandement, l'amour et le respect de ses sujets et même ses habitudes. » Son discours n'est plus audible, sa parole est vaine. Le roi et Necker ne peuvent que capituler.
Pour Waresquiel, la Révolution est un bloc comme le soutenait Clemenceau, un bloc chu d'un désastre obscur aurait dit Mallarmé. « Je ne connais pas d'autres pays que la France qui, en si peu de temps, aient décidé que la nation existerait par elle-même. » En sept jours, mille ans de monarchie sont balayés d'un coup de dés que Waresquiel transforme en coup de maître.