Il y a le bruit des cigales, l'odeur du serpolet et des collines à perte de vue. Mais il ne règne pourtant ici nulle quiétude, loin de là. Stjepan est étendu de tout son long sur le ventre. Avec du sang sur les mains. Ses camarades Dragan, Milivoj, Ivan et Ljubo sont morts. Probablement emportés par un obus ou un missile. Militaire, le jeune héros de Skoda ne se souvient de rien. Il comprend vite qu'il est sonné, mais qu'il n'a mal nulle part. Autour de lui, il repère une antique voiture noire qui n'a plus de pare-brise, de vitres et dont les deux passagers sont morts eux aussi.
Le seul survivant de l'épave est un bébé de trois ou quatre semaines. Qu'il soit fille ou garçon, Stjepan décide de le prénommer Skoda, comme la marque de l'automobile dans laquelle il l'a trouvé. L'improbable duo se met bientôt en route, avec le sac contenant les affaires de l'enfant que Stjepan se met à appeler "petite hirondelle". Sur leur chemin, dans un pays désert et poussiéreux, voici d'abord qu'apparaît un douanier. Celui-ci est équipé d'un pistolet et semble avoir des moeurs curieuses, mais il se trouve en possession de lait...
Le lecteur ne sait où il se trouve vraiment, ni à quelle époque. Probablement en Europe, dans un passé récent ou un futur proche... Olivier Sillig - dont Bernard Campiche avait déjà publié La cire perdue en 2009, et les éditions de l'Atalante Bzjeurd en 1995 (repris en Folio SF) - joue sur l'économie d'effets, sur la tension. Le Suisse signe un court et glaçant roman sur la guerre. Sur son absurdité et les différentes manières de résister. Dans une odyssée noire qui vous heurte, Sillig réussit à faire subtilement se côtoyer la haine et l'espoir.