Graziella et Jean-Claude Wierzba (L'Éclectique, La Varenne-Saint-Hilaire) : « Le roman de Nathacha Appanah a été un choc »
Graziella Wierzba se rappelle avoir été « bouleversée » par les mots de Nathacha Appanah dès la présentation de la rentrée littéraire de Gallimard en juin dernier à Paris. La nuit au cœur a donc été l'un des premiers livres qu'elle a lus. « Ce roman a été un choc dès la première page », se souvient-elle. La libraire salue « l'accent de sincérité » et le « talent d'écriture » de l'autrice.
Celle-ci a livré « le hurlement courageux d'une femme, d'une grande écriture », comme Graziella Wierzba l'a d'ailleurs écrit sur sa note « coup de cœur ». La libraire plébiscite également La joie ennemie de Kaouther Adimi (Stock). « Son livre nous met au cœur d'une Algérie violente mais belle, aussi. Et on ressent tout son amour pour son pays », explique-t-elle. Le premier roman d'Alice Botelho, Folie entre mes doigts, (Mercure de France) l'a également séduite pour son « autre regard porté sur les centres psychiatriques ».
En janvier 2024, Jean-Claude Wierzba a eu un « immense coup de cœur » pour Le roitelet de Jean-François Beauchemin (Gallimard), qui bénéficie depuis d'une « pile permanente dans la librairie ». Cette année, il a apprécié Mémoires de Mayron Schwartz, le roman « intemporel » du même auteur (Québec Amérique). Il salue aussi le « vrai grand roman » de Karen Joy Fowler, Lincoln tragédie (traduit par Karine Lalechère, Presses de la Cité), le « drôle, étonnant et formidable » Il pleut sur la parade de Lucie-Anne Belgy (Gallimard) ou encore le premier livre « très tendre et sensible » de Rebeka Warrior, Toutes les vies (Stock).
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Emmanuelle George (Gwalarn, Lannion) : « Une belle rentrée hétéroclite »
Au sein de cette « belle rentrée hétéroclite », Emmanuelle George a apprécié les ouvrages de Nathacha Appanah (La nuit au cœur, Gallimard), Percival Everett (James, traduit par Anne-Laure Tissut, L'Olivier) ou encore Laurent Mauvignier (La maison vide, Minuit). Elle s'est surtout laissée porter par le « magnifique roman » de Laura Ulonati (J'étais roi à Jérusalem, Actes Sud). « Ce texte atypique et percutant pose la question du vivre-ensemble », explique la libraire. Elle a été séduite par « la musicalité de l'écriture » de l'autrice et le caractère « sensoriel, romanesque et intellectuel » de son œuvre.
Emmanuelle George plébiscite également Les 8 vies d'une mangeuse de terre de l'autrice coréenne Mirinae Lee (Phébus) et le personnage « attachant » de Mook Miran. Le livre « peut plaire aux personnes qui aiment les grandes histoires de vies singulières racontées dans un contexte et un pays dont on est moins familier ». Elle salue par ailleurs la qualité de la traduction de ce texte par Lou Gonse. La libraire « aime beaucoup les romans qui évoquent l'art d'une belle manière ». Ainsi, elle recommande L'ami Louis (Denoël) dans lequel Sylvie Le Bihan « s'attache à faire découvrir la vie de Louis Guilloux ». La « mise à l'honneur de la force des femmes oubliées du conflit » de la Première Guerre mondiale racontée par Gaëlle Nohant (L'homme sous l'orage, L'Iconoclaste) ou encore le « beau roman » de Sarah Chiche (Aimer, Julliard), dans lequel l'autrice s'empare « très bien de la psyché humaine », remportent aussi ses faveurs
Julie Sigougneau (Le Pavé dans la marge, Mérignac) : « Un bel avenir pour la littérature »
Saluant une « belle rentrée » bien suivie par sa clientèle, Julie Sigougneau a pris plaisir à repérer de « très bons premiers romans » comme L'entroubli de Thibault Daelman (Le Tripode) ou Flamme, volcan, tempête de Pierre Boisson (Édition du sous-sol). « Leurs prochains livres, qui arriveront probablement dans les années à venir, laissent augurer de très belles découvertes et un bel avenir pour la littérature », affirme-t-elle.
Parmi les plumes plus installées, la libraire acclame James de Percival Everett (traduit par Anne-Laure Tissut, L'Olivier). Une « grande réussite » qui a le mérite « d'interroger sur le mécanisme des stéréotypes engendrant des préjugés puis des discriminations » et qui, selon elle, « peut être mis entre les mains de quasiment tout le monde » pour favoriser un dialogue intergénérationnel sur ces problématiques. La nuit au cœur de Nathacha Appanah (Gallimard) a également eu une « résonance très particulière » à Mérignac, ville dans laquelle Chahinez Daoud a été assassinée par son conjoint en 2021. En prenant notamment appui sur ce féminicide, Nathacha Appanah livre une œuvre « absolument nécessaire et laisse une marque indélébile ». « Ce livre m'a profondément marquée, et pour toujours je pense », assure Julie Sigougneau.
Elle retient également « l'empreinte plus philosophique » laissée par Tressaillir de Maria Pourchet (Stock), « l'écho avec le monde contemporain » qu'Hélène Frappat dépeint à travers Nerona (Actes Sud) ainsi que « la forme d'espoir qui naît des foyers de résistance face à la montée de l'autoritarisme » dans Nous sommes faits d'orage de Marie Charrel (Les Léonides).
Ronan Amicel (L'Autre Monde, Avallon) : « Cette année, le rythme est plus rapide »
Laurine Roux, avec Trois fois la colère (Le Sonneur) remporte les faveurs de Ronan Amicel. « J'aime beaucoup cette écrivaine, son écriture a beaucoup de panache. On entre dans son roman et on n'a pas envie de le lâcher », explique-t-il, saluant par ailleurs son « tour de force d'arriver à montrer l'humanité des méchants ». Toujours dans le domaine francophone, Ronan Amicel s'est aussi laissé porter par le « brillant » Officier radio de Marie Richeux (Sabine Wespieser).
Au rayon de la littérature traduite, le libraire plébiscite Salamalecs d'Antonythasan Jesuthasan (traduit par Léticia Ibanez, Zulma). « Ce roman à deux entrées, sans que cela ne soit une coquetterie, est super original », affirme Ronan Amicel. L'équipe de L'Autre Monde a également apprécié Jouer le jeu de Fatima Daas (L'Olivier) et Jacky d'Anthony Passeron (Grasset) au rayon francophone ou encore L'invention d'Eva d'Alessandro Barbaglia (traduit par Jean-Luc Defromont, Liana Levi) et DJ Bambi d'Audur Ava Olafsdottir (traduit par Eric Boury, Zulma) en littérature traduite.
De manière générale, Ronan Amicel trouve cette nouvelle rentrée littéraire « plus intéressante » que la précédente et observe la différence dans sa librairie. « L'année dernière, le mois d'août était plutôt calme mais cette année, le rythme est plus rapide », assure-t-il. Le libraire apprécie également la « diversité » de ce cru 2025 qui lui permet de « répondre à toutes les demandes ». Y compris celles des lecteurs et lectrices de 18 à 22 ans - « que nous n'arrivons pas souvent à toucher » - à qui il conseille notamment La bonne mère de Mathilda Di Matteo (L'Iconoclaste) ou Tressaillir de Maria Pourchet (Stock).