A l'origine homme de cinéma, Philippe Pollet-Villard s'est déjà fait connaître en tant qu'écrivain grâce à deux romans décalés, où la fiction et l'imaginaire ne parvenaient pas à faire oublier des préoccupations sociales, une volonté de comprendre le monde actuel, mais sans grande théorie. Pollet-Villard aime plutôt la satire bien grinçante. C'est à cette veine qu'appartient Mondial Nomade, conte farfelu (en apparence) pour grands enfants qui ne se sentent pas très à l'aise dans l'époque.
C'est le cas de Rem Jean-Charles, quoiqu'il soit devenu milliardaire. Il a bâti sa fortune colossale sur un concept aussi simple que génial. De plus en plus de grandes entreprises françaises délocalisant non seulement leurs usines et leurs bureaux, mais aussi les centaines de milliers d'employés qui vont avec, en particulier vers l'Inde, il a créé la plus grande entreprise mondiale de garde-meubles hyper sécurisés. Les délocalisés, dans la pensée de leur retour au pays, y stockent leurs biens, qu'ils retrouvent intacts. Mais la plupart ne reviennent jamais. Par contrat, leurs possessions peuvent alors être soldées par le gardien. Rem a inondé la France, puis la planète d'énormes cubes signalés par une lumière violette - couleur apaisante -, et Mondial Nomade est devenu l'un des fleurons du nouveau capitalisme, ultralibéral, globalisé.
Mais, la soixantaine venue, ses actionnaires lui font comprendre qu'il serait temps de prendre sa retraite, de passer les rênes. Rem vend donc Mondial Nomade à un jeune tycoon, qui n'est autre que le fils du président de la République, Cherboleff. Que va-t-il faire de sa vie, cet homme froid, distant, énigmatique, dépressif, à qui nul n'a jamais connu ami, liaison, ni passion aucune ? Et comment dépenser son incommensurable pactole ?
Lui-même l'ignore, jusqu'à ce jour où, vidant les tiroirs de son ex-bureau, il retrouve un méchant Polaroid qui le représente jeune, chevelu, barbu, posant à côté d'un autre hippie, quelque part dans les bas-fonds de New Delhi. Jean-Charles va se mettre dans l'idée de retrouver ce lointain compagnon, dont il finit par se souvenir qu'il s'appelait Marcel, et qu'il était plus ou moins guide de voyages local pour ses compatriotes fauchés. Il s'embarque alors pour l'Inde, à la recherche du Marcel et du temps perdus, en tentant de reconstituer les conditions de son voyage de l'époque : il vole en classe éco, s'habille en routard, prend une carte de crédit de base, et descend dans le même bouge que quarante ans auparavant. Le tenancier est toujours le même, mais maintenant de jeunes Françaises, membres d'une ONG, s'y prostituent pour soulager leurs compatriotes ouvriers, épuisés par leurs lourdes tâches. Ce n'est là que l'une des surprises - pas forcément agréables - qui attendent Rem, dans une Inde devenue une espèce de gigantesque banlieue française, dont les prolétaires sont les nouveaux intouchables. C'est brillant, enlevé, angoissant aussi. Rem d'ailleurs, va finir par s'y perdre.