Moins de deux semaines après la clôture de la consultation publique de l’Arcom ouverte en janvier sur la possibilité d’autoriser la publicité pour des livres à la télévision, le gouvernement a pris de court les éditeurs en approuvant, par décret, une phase de test de deux ans, début avril.
Cette évolution règlementaire trouve son origine non pas dans l’objectif de modifier le marché du livre mais plutôt dans celui de renforcer le marché de la publicité télévisée, fragilisé par l’explosion du numérique.
Un rapport attendu dans les deux ans
En 2020 déjà, le gouvernement avait lancé par décret l’autorisation temporaire à l’industrie du cinéma de diffuser de la publicité sur ce média. Cette autorisation vient d’être pérennisée.
« Comme l'expérimentation de la publicité du cinéma à la télévision n'a pas remis en cause les grands équilibres entre cinéma et télévision, j'ai donc souhaité la généraliser et j'ai décidé de tester également la publicité du livre à la télévision », s’est expliqué la ministre de la Culture Rachida Dati dans un entretien au journal Les Echos.
D’une durée de deux ans, cette autorisation doit faire l’objet d’un rapport remis au gouvernement au plus tard trois mois avant la fin de l’expérimentation.
Selon le décret, ce rapport devra préciser « les impacts sur la commercialisation des livres en fonction des canaux de distribution » et évaluer « la diversité des œuvres littéraires ayant bénéficié de messages publicitaires au regard notamment du segment éditorial, de la taille de l'éditeur, du budget global de promotion par œuvre et des quantités déjà vendues au moment de la diffusion de la publicité ». Surtout, il devra rendre compte « de l'impact de la mise en œuvre des dispositions sur les radios, la presse écrite, les afficheurs et les autres supports publicitaires ».
Contrarié de ne pas avoir été impliqué dans le projet de décret, le Syndicat national de l’édition s'est prononcé ce mercredi sur le sujet (lire ci-après). Jusque-là, le bureau du SNE cherchait auprès de la rue de Valois à avoir plus d’informations sur le mode d’analyse de ce test avant d’approuver ou non cette initiative gouvernementale.
En attendant, plusieurs voix qui comptent boulevard Saint-Germain se sont exprimés, notamment en marge du Festival du Livre de Paris. Antoine Gallimard, P-DG du groupe Madrigall, a soutenu sur France Inter une position contre la publicité de livre à la TV, « au nom de la diversité éditoriale ».
XO première à dégainer
Dans son sillon, Denis Olivennes, président d’Editis, a également redouté que la pub télé puisse « accélérer la concentration du marché sur ses plus gros vendeurs, au détriment de la diversité, parce que seuls les best-sellers peuvent supporter les coûts d'une publicité à la télévision ».
Pourtant, c’est bien une maison d’édition appartenant à son groupe, XO, qui a dégainé en premier en diffusant un trailer de l’une de ses dernières sorties sur les antennes de BFM TV dès la date d’application du décret, le 12 avril. La maison d’édition fondée par Bernard Fixot avait déjà été pionnière, au début des années 2000, dans la diffusion de publicités à la radio.
Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, s’est lui aussi prononcé contre la pub à la télévision. « Si un lecteur découvre un best-seller grâce à une pub télévisée, il ne va acheter que celui-là. Et il restera ensuite un lecteur très occasionnel ».
Jusqu’à présent, la publicité de livres était autorisée à la télévision seulement sur les chaînes payantes, mais également sur les sites et plateformes de replay. Hugo Publishing, filiale du groupe Glénat spécialisée dans la New Romance, consacre la moitié de son budget de communication dans le digital. Interrogé par Livres Hebdo le mois dernier sur le sujet, son P-DG Arthur de Saint-Vincent assurait que la télévision restait « très forte auprès du public affinitaire (..) mais qu'elle n’est pas adaptée à tous les profils. Nous venons par exemple de publier Fourth Wing de Rebecca Yarros qui est un gros enjeu pour nous. Mais même si cela avait été possible nous n’aurions pas eu recours à la publicité à la télévision pour elle car il s’agit d’un premier roman. De plus, l’autrice est très attendue d’une communauté que l’on peut plus facilement atteindre via les réseaux sociaux. »
Si la publicité à la télévision génère quelques divergences chez les éditeurs, ces derniers semblent tous favorables à une augmentation des émissions littéraires dans les programmes hertziens.