Publier est une activité de longue haleine, non exempte d’ajustements et d’adaptations. Prenons les éditions La Pastèque, rencontrées au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil (SLPJ) où elles sont venues présenter leur catalogue jeunesse et bande dessinée : quand ils créent la maison à Montréal (Québec) en 1998, Frédéric Gauthier et Martin Brault, alors tous deux anciens libraires, ne proposent pour commencer qu’un nombre limité de titres et seulement en bande dessinée – revendiquant une démarche volontiers expérimentale dans la lignée de labels français comme l'Association ou Ego comme X, dont ils sont dans un premier temps les importateurs au Québec. « Nous avions envie de secouer le monde de la BD québécoise et de montrer qu’il existait un marché pour des livres tels que nous les imaginions », se remémore Frédéric Gauthier.
Vingt-cinq ans plus tard et forte d’un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros, La Pastèque a bien changé. S’ils sont restés fidèles à leur exigence de départ, Frédéric Gauthier et Martin Brault ont aussi progressivement fait évoluer l’identité de leur catalogue. Une étape décisive est franchie en 2004 quand ils décident de s’ouvrir à la jeunesse, en plus de la BD. Le virage s’accompagne à l’époque d’une augmentation significative de la production, jusqu’à faire d’eux une maison publiant majoritairement de la jeunesse (autour de 70 % du catalogue), le reste étant constitué de BD adultes. « Nous avons fait évoluer notre ADN au fil des ans, résume Martin Brault. Cela nous a permis de beaucoup développer la partie cession de droits, qui est structurellement plus intéressante en jeunesse qu’en BD. »
Rayonnement international
Si les ventes de droits permettent en moyenne d’obtenir entre 5 et 8 traductions d’un titre, certains albums jeunesse du catalogue ont été vendus jusqu’à une trentaine de langues, contribuant ainsi « au rayonnement de la culture québécoise à travers le monde », se réjouit Martin Brault. « Au global, les cessions de droits représentent 15 % de notre activité », précise-t-il.
Rayonner en France fait aussi partie des ambitions de La Pastèque, qui réalise déjà environ 25 % de son chiffre d’affaires dans l’Hexagone. L’éditeur vient depuis longtemps à Montreuil, rendez-vous « incontournable » pour rencontrer les représentants et développer de nouvelles relations avec les acteurs de la chaîne du livre. Diffusée/distribuée depuis quatre ans par MDS, La Pastèque est surtout reconnue de ce côté de l’Atlantique pour ses documentaires jeunesse et ses albums.
Une vingtaine de nouveautés par an
La maison doit néanmoins composer avec les spécificités d’un marché très différent dans sa structure du marché québécois. « Le réseau de la librairie française est très dense et comprend beaucoup de spécialistes jeunesse, il est plus compliqué à travailler que chez nous, note Frédéric Gauthier. Nous sommes aussi confrontés à la réalité d’un rayon où l’offre est déjà pléthorique. »
La Pastèque, qui affiche aujourd’hui quelque 370 livres à son catalogue, dont 160 sont toujours actifs, a néanmoins des arguments à faire valoir. Une vingtaine de nouveautés paraissent chaque année, parmi lesquelles le travail de quelques auteurs phares présents depuis les débuts de l’aventure. Créateur de la série « Paul », Michel Rabaglioti a par exemple vendu à lui seul plus de 500 000 exemplaires de l’ensemble de son œuvre. Son dernier roman graphique Rose à l’île, pour un lectorat adulte, a paru en octobre. Côté jeunesse, La Pastèque publiera début 2024 l’album Sombre est la nuit de Dianne White et Felicita Sala. L’éditeur annonce également un nouveau titre de Jacques Goldstyn, « monument » de l’illustration au Québec et autre auteur majeur de son catalogue.