Ancien éditeur chez Casterman, qu'il a contribué à ancrer dans l'Hexagone dans les années quatre-vingt avec le P-DG de Casterman France de l'époque, Louis Gérard, et retiré en Belgique depuis son départ de la maison en 1997, Jean-Paul Mougin est mort mardi 13 septembre à Bruxelles à l'âge de 70 ans.
Personnage fin, cultivé et attachant, il avait fait dans les années quatre-vingt de l'éditeur de Tintin, Alix et Martine, la maison de référence de la bande dessinée adulte, rassemblant des auteurs majeurs autour du désormais mythique mensuel (A Suivre), lancé en janvier 1978 et arrêté fin 1997, avec lequel il défendait une approche plus littéraire du 9e art que celle de ses confrères.
D'abord journaliste, Jean-Paul Mougin s'était formé à la télévision à l'époque de l'ORTF, dont il a été évincé à la suite des mouvements de 1968. L'année suivante, il devient rédacteur en chef adjoint de Pif Gadget, où il se passionne pour la bande dessinée et y lance la carrière française d'Hugo Pratt, qui devient son grand ami et l'introduit chez Casterman.
Au sein de la maison belge, qu'il rejoint en 1972 comme assistant du directeur littéraire d'alors, Didier Platteau, qui sera plus tard le P-DG de Casterman et qui dirige aujourd'hui les éditions Moulinsart, Jean-Paul Mougin donne sa pleine mesure avec le lancement d'(A Suivre), dont il fera le fer de lance d'une stratégie visant à faire de Casterman, selon sa propre formule, «le Gallimard de la bande dessinée», et promouvant avant l'heure une forme de «roman graphique».
«(A Suivre) sera l'irruption sauvage de la bande dessinée dans la littérature», promettait-il dans l'éditorial du premier numéro du magazine, qui sonne, trois décennies plus tard, comme prémonitoire.
Sous une maquette conçue par Etienne Robial (ex-directeur artistique de Canal + et fondateur de Futuropolis), (A Suivre) lance et/ou accueille sous sa houlette pendant vingt ans Pratt, Forest, Tardi, Schuiten et Peeters, Jean-Claude Denis, le collectif Bazooka, Cabanes, Pétillon, Tito, Comès, Muñoz et Sampayo, Ted Benoit, Loustal, Manara, Boucq, Baru, Régis Franc, Sokal, Geluck, Rochette ou encore Nicolas de Crécy.
Dans la foulée, Jean-Paul Mougin renouvelle en profondeur le catalogue de Casterman, pour lequel il obtient une moisson de prix, notamment au festival d'Angoulême, ouvrant la bande dessinée vers de nouveaux horizons qu'elle continue d'explorer aujourd'hui.