31 décembre > Premier Roman Etats-Unis

Reprenons. Reprenons les choses là où Cormac McCarthy et David Vann (entre autres) les ont laissées. Quelque part vers un trou perdu du Montana, à la bordure de l’horizon, là où les hommes se tiennent à la lisière du bien et du mal, comme des enfants ou des vieillards. Là aussi où ils parlent à la terre, aux arbres, au ciel, y cherchant la réponse à leur chagrin et à leur colère.

Cette fois-ci, il y a un vieil assassin et un jeune flic, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. Ce serait pendant l’horreur d’une profonde nuit. Dans une prison du Montana donc, Val Millimaki s’assoit face à la cellule de John Gload, un septuagénaire, criminel endurci, qui vient de se rendre coupable du meurtre atroce d’un homosexuel à seule fin de lui dérober un service de vaisselle précieuse… Gload tue sans haine, mais avec précision. Entre les deux hommes, celui qui a perdu sa femme en perdant sa liberté et celui qui sent la sienne lui échapper, s’engage un dialogue, lapidaire, parcellaire, intense. Ils se connaissent, ils se reconnaîtront. Leur "complicité" est d’abord tissée de ce qui les rassemble : le goût de la terre, celui de l’attente et de la contemplation, la fréquentation de leurs gouffres intimes.

Les arpenteurs de Kim Zupan est un premier roman dont la réputation aux Etats-Unis était déjà flatteuse avant qu’il ne soit publié (il l’est seulement depuis le mois de septembre dernier). De fait, la puissance à la fois narrative et métaphorique du livre est plutôt impressionnante. Son éditeur français nous apprend que Zupan a été tour à tour fondeur, professionnel de rodéo, pêcheur de saumons en Alaska, réparateur d’avions à réaction, et qu’il enseigne aujourd’hui la menuiserie à l’université de Missoula. Ce pourrait être un gag. Ce sont seulement les humanités d’un écrivain américain contemporain.

Olivier Mony

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