Le beau livre est mort, vive le livre-objet ! Comme s'ils s'étaient passé le mot, plusieurs éditeurs ont élargi leur offre illustrée à des formats hybri-des au fil des dix-huit derniers mois, et explorent l'axe du livre à afficher. La BNF a ouvert le bal au printemps 2018, en créant une collection de livres-posters, soit un texte de présentation signé par un conservateur et vingt-deux planches détachables. Après deux titres l'an passé, Toulouse Lautrec, Nuits de Paris, et les Contes de Perreault illustrés par Gustave Doré sont parus le 3 octobre. Flammarion a suivi le mouvement dès cet été, et fait migrer le livre sur les murs avec « Accrochages », 21 reproductions de peintures, dessins ou gravures à détacher. Herbier, le premier livre d'art qui s'accroche !, avec des textes de Cindy Lermite, est paru le 18 septembre. Lancée début octobre, la collection « Lontano » d'Actes Sud s'approche davantage du format poster (42 x 30 cm), avec ses 40 affiches par volume pour explorer au mieux l'univers d'un artiste contemporain. Pour Noël, le label de Prisma National Geographic joue l'offre cadeau avec l'album photos Peninsula de Thierry Suzan sous coffret, et ses cinq tirages à encadrer.
Au rang des formats qui en jettent, le leporello, ce livre qui se déplie façon accordéon, tient le haut de l'affiche. Le Chêne donne à voir le Canalasso de Venise avec Grand Canal, de Laurent Dequick (20 novembre), à déplier de sa rive ouest à sa rive est sur 38 mètres. L'éditeur suisse Hélice Helas opte aussi pour cette jolie fabrication et déploie la série onirique La belle et les bêtes, de Coco Fronsac. Hazan propose également une conception en accordéon sous coffret pour Hiroshige, paysages célèbres des soixante provinces du Japon.
Détails soignés
Le soin apporté aux plus délicats détails fait souvent la différence. Pour Martin de Halleux, qui a lancé la maison à son nom il y a un an, « la fabrication du livre est constitutive de l'acte éditorial, autant que le fond, et le design ». La dimension sensorielle est l'une des clés de la réussite en librairie, mais nul besoin d'aller dans la surenchère. Pour Félix Valloton, Intimité(s)... et le regard de Jean-Philippe Toussaint, il a opté pour un noir Pantone spécifique pour avoir un rendu très profond. Plus pop, les titres du catalogue de l'exposition Vampires de la Cinémathèque française (RMN-GP) se révèlent dans une typographie en coulures, comme du sang frais. Les éditions du Patrimoine apportent enfin un supplément d'âme au catalogue de l'exposition « Marie-Antoinette, métamorphoses d'une image » en proposant de découper des pages scellées pour découvrir des gravures érotiques de la reine.
Les fêtes sont aussi l'occasion pour quelques éditeurs de mettre sur le marché des livres exceptionnels, au prix élevé. Diane de Selliers présente ainsi La Genèse de la Genèse, illustrée par l'abstraction, un livre sous coffret à 230 €. Dans cette nouvelle traduction poétique par Marc-Alain Ouaknin, les 11 premiers chapitres de la Bible conversent avec 104 œuvres, derrière une couverture en blanc scintillant et un titre apposé au fer à chaud, qui change de couleur selon l'orientation. Chez Citadelles & -Mazenod, la collection « livres d'exception » accueille un nouveau volume avec La tapisserie de Bayeux, de Xavier Barral I Altet et David Bates (690 €). Soit une boîte en toile contenant un livre de commentaires et un dépliant de la tapisserie de 32 mètres, invitant à se perdre dans l'observation de cette fresque brodée.